Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/754

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La barque nage en pleine mer, un alcyon fuyant prédit la tempête, elle éclate, la foudre tombe, attirée par les blasphèmes d’Érostrate, et l’équipage échoue sur la côte d’Ionie :


En vain, l’énorme bras de Neptune vainqueur,
Comme un dauphin béant, m’a roulé sur la plage,
En vain, les immortels m’ont sauvé du naufrage,
Mon sang toujours bouillonne et s’élève contre eux ;
Ils ne m’ont accordé la jeunesse et la vie
Que pour mieux étouffer mon éternelle envie
D’égaler ici bas leurs destins glorieux.


Cependant les Telchines souterrains ont entendu sa plainte et du sein de la profondeur lui conseillent de brûler le temple d’Éphèse. Il s’éloigne d’abord sous l’épouvante d’un pareil crime, mais l’obsession est plus forte que sa volonté, et nous le retrouvons bientôt devant le temple, une torche à la main ; la Piété se dresse en suppliante, la Beauté demande grâce pour un de ses plus merveilleux enfans : peines perdues ! Le scélérat marche à son œuvre, donnant l’exemple aux pétroleurs des siècles futurs, et lorsque Mnémosyne le menace de l’exécration du genre humain : « Eh bien ! soit, » lui répond le révolté :


O flamme, élargis-toi, monte au fronton doré
Et là sculpte à grands traits mon nom sombre et sacré.


Toute la mise en scène de ce morceau final est d’un mouvement splendide : chœur des esprits du feu, chœur des vents :


Dragons, esprits du feu, déroulez vos spirales,
Nous venons à votre aide avec nos sifflemens.
Voici le temple ouvert à vos enlacemens,
Ouvrez vos gueules infernales.


Branle-bas souterrain des Telchines, hurlemens du peuple, gémissemens des femmes, anathèmes des prêtres, cris des guerriers, vous pensez à quelque symphonie grandiose avec récits et voix dans la nuée :


O mon nom, lève-toi, monte au plus haut des airs
Et remplis à jamais de ton bruit l’univers.
Et toi, peuple stupide, ô peuple lamentable,
Hâte-toi de saisir le fortuné coupable;
Il s’appelle Érostrate, il a vaincu la mort;
Le crime est immortel...

UNE VOIX CÉLESTE.

Ainsi que le remord !