Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/722

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de rester dans la pratique un simple expédient électoral ou parlementaire qui ne résoudra rien, et le meilleur remède serait encore d’en revenir à une politique moins livrée aux passions des partis, à toutes les ardeurs des rivalités personnelles, plus conforme aux traditions et aux intérêts permanens de l’Italie.

La difficulté en politique est toujours de trouver un point d’appui, de savoir où l’on va, jusqu’où l’on veut aller, de se fixer en un mot au milieu de toutes les mobilités des partis, et l’Espagne, autant que l’Italie, quoique dans d’autres conditions et sous d’autres formes, en fait peut-être aujourd’hui l’expérience. L’Espagne, il est vrai, n’a point en perspective des élections prochaines; elle n’a pas moins sa question de gouvernement qui s’agite bruyamment, assez confusément depuis quelques semaines, qui au fond se résume toujours dans le choix d’une politique, d’une direction. Cette question, elle a même cela d’original qu’elle ne s’explique par aucun incident de parlement, par aucune circonstance précise, qu’elle est née, sinon tout à fait à l’improviste, du moins d’une manière assez arbitraire dans l’intervalle de deux sessions, dans les loisirs dont jouissent quelques chefs de parti à Madrid et à Biarritz. Expliquons le fait.

Depuis que le ministère Sagasta est entré aux affaires, il a vécu comme il était né, à la faveur d’une transaction incessante entre la fraction conservatrice représentée au pouvoir par le ministre de la guerre, le général Martinez Campos, et la fraction libérale représentée par le président du conseil, M. Sagasta lui-même. Le général Martinez Campos et quelques-uns de ses amis, conservateurs comme lui, s’étaient détachés de la précédente administration présidée par M. Canovas del Castillo et s’étaient alliés avec une certaine opposition conduite par M. Sagasta pour former une combinaison nouvelle. Ce nouveau cabinet avait pour le roi Alphonse XII l’avantage de détendre pour ainsi dire la situation, de montrer que, dans ce cadre flexible de la monarchie constitutionnelle, tous les partis légaux pouvaient passer régulièrement au pouvoir, et comme il était ou semblait être plus libéral que le ministère de M. Canovas del Castillo, il avait d’abord l’appui des libéraux, même de quelques fractions plus avancées du parlement. Il a vécu ainsi quelque temps, offrant des garanties aux conservateurs par le général Martinez Campos, tendant la main aux libéraux par M. Sagasta, s’étudiant à prolonger le plus possible la coalition qui lui avait donné naissance. Bientôt cependant s’est formé dans le congrès un petit groupe de démocrates dynastiques qui a paru recommencer vis-à-vis de M. Sagasta le rôle que celui-ci avait joué vis-à-vis de M. Canovas del Castillo. Il n’a plus appuyé le ministère, il n’a pas tardé à le harceler, à le presser d’accentuer son libéralisme, surtout de se séparer plus nettement des conservateurs, du général Martinez Campos; c’était un nouveau déplacement de pouvoir qu’il réclamait. Par le fait, ce groupe restait une minorité peu