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de prévoyance au moment d’aborder les élections générales qui se préparent, qui vont lui donner un parlement tout nouveau. Avant un mois, les élections se feront sans doute. Déjà le mouvement se dessine de toutes parts au-delà des Alpes. Les partis sont en campagne. Les principaux chefs parlementaires s’adressent à leurs électeurs, au pays tout entier. M. Minghetti, M. Visconti-Venosta ont prononcé des discours qui sont des manifestes. Un homme d’esprit, M. Ruggiero Bonghi, a tracé un vrai programme d’action électorale. M. Nicotera, M. Crispi, sont allés dans le Midi haranguer leurs électeurs, à Salerne et à Palerme. Les ministres, à leur tour, M. Depretis en tête, ne tarderont pas, sans doute, à s’expliquer devant l’opinion, à exposer leurs actes, leurs projets, leur politique. D’un autre côté, les partis extrêmes, radicaux, républicains, socialistes, se remuent, tiennent des meetings partout où ils croient avoir des chances, dans la Romagne, dans le Midi, et les réactionnaires, les cléricaux, fatigués de s’abstenir comme ils l’ont fait jusqu’ici, se disposent peut-être à prendre un rôle qui n’est pas encore bien défini. En un mot, l’agitation, sans être désordonnée et tumultueuse, commence à se manifester sur tous les points, et cette lutte nouvelle, on ne peut se le dissimuler, s’engage dans une confusion où il y a beaucoup d’inconnu.

Les élections italiennes, désormais si prochaines, ont par le fait une gravité particulière aujourd’hui, et parce qu’elles vont se faire sous un nouveau régime électoral, et parce qu’elles se produisent dans des circonstances qui ne laissent pas d’être critiques pour les partis, pour le gouvernement, pour le système parlementaire tout entier. D’un côté, elles sont la première application de la loi de réforme qui a été récemment votée, qui substitue le scrutin de liste au scrutin d’arrondissement et qui étend le droit de suffrage jusqu’à la limite au-delà de laquelle il n’y a plus que le suffrage universel. Le nombre des électeurs est singulièrement accru, le système de votation est changé, le champ de bataille électoral est étendu et déplacé. Tout est nouveau dans la phase où est entrée l’Italie, et la question est de savoir ce qui résultera de cette expérience, de cette introduction d’élémens inconnus dans les cadres électoraux, quelle sera en définitive l’influence de la dernière réforme sur la composition du parlement. C’est là un point obscur. D’un autre côté, cette crise d’élections coïncide avec une situation qui est assez sérieuse pour être un objet de préoccupation au-delà des Alpes, qui, d’ailleurs, ne s’est pas créée toute seule. Depuis six ans, l’Italie a ce qu’on peut appeler le règne de la gauche. Les ministères ont été modifiés, remaniés; le président du conseil s’est appelé tantôt Depretis, tantôt Cairoli. C’est toujours, en définitive, la gauche qui a régné sous des noms différens, et on ne peut pas dire que ces six années de gouvernement aient été des plus favorables pour l’Italie.

Non, en vérité, la gauche italienne n’a été heureuse ni dans la politique