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et, plus que tout autre, dans sa double position de président du conseil et de ministre des affaires étrangères, M. Duclerc a pu déjà sentir que, par cette politique seule, la France peut recouvrer assez d’autorité pour se faire écouter dans les délibérations de l’Europe, notamment à propos de cette question égyptienne qui reste à régler entre les puissances.

Elle a marché assez vite depuis quelques jours, il est vrai, cette question d’Egypte qui pendant quelque temps s’est déroulée avec une certaine lenteur, dans une confusion un peu laborieuse. L’Angleterre, selon son habitude, a procédé méthodiquement. Elle n’a voulu rien risquer sans avoir sous la main toutes ses forces, toutes ses ressources. Le jour où elle s’est sentie en mesure, elle n’a plus hésité; elle a engagé vigoureusement l’action, et le succès aussi prompt que décisif de ses armes a prouvé que le généralissime, sir Garnet Wolseley, avait habilement préparé ses opérations.

Tout s’est accompli point pour point, presque à date fixe, selon le programme que s’était tracé d’avance le chef de l’expédition. A peine l’armée anglaise transportée à Ismaïlia venait-elle de livrer son premier combat à Kassassine, elle se préparait déjà à l’assaut des positions en apparence assez fortes de Tel-el-Kébir, dont Arabi avait fait, disait-on, un autre Plewna. D’un seul coup, en quelques heures d’une matinée, elle a enlevé ces positions, battu, dispersé l’armée égyptienne surprise dans ses retranchemens, et dès ce moment toute résistance sérieuse est tombée. Les avant-gardes de Wolseley ont pu se porter par une marche rapide sur le Caire, où elles sont entrées sans coup férir, conduites par un fils de la reine, par le duc de Connaught. Les soumissions se sont succédé de toutes parts, autour d’Alexandrie, à Aboukir et à Damiette, où il y a eu une dernière velléité de résistance. Arabi lui-même et les principaux chefs de l’insurrection ont été réduits à se rendre ou ont été pris au Caire. Les Anglais en ont fini avec la rébellion égyptienne avant que les Turcs se soient décidés à signer la convention militaire éternellement débattue entre le divan et lord Dufferin pour régler les conditions de l’intervention ou de la coopération ottomane, qui n’a plus désormais de raison d’être. Militairement, la question est donc tranchée par l’Angleterre seule. Reste, maintenant, à la vérité, la question politique ou diplomatique, qui est plus compliquée, qui peut même devenir délicate et qui, dans tous les cas, ne peut être définitivement résolue qu’avec le concours de l’Europe, soit par des négociations directes entre cabinets, soit par la conférence de Constantinople.

Quelle est la situation ? En réalité, s’il faut appeler les choses par leur nom, les Anglais sont maîtres de l’Egypte; ils l’occupent militairement, et ils ont vraisemblablement l’intention de l’occuper, tout au moins de garder quelques postes, — tant que la pacification du pays