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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : les Corbeaux, pièce en 4 actes de M. Becque. — Odéon : le Mariage d’André, pièce en 4 actes de MM. Lemaire et de Rouvre. — Gymnase: Héloïse Paranquet (reprise). — Vaudeville : Tête de linotte, comédie en 3 actes de Th. Barrière, achevée par M. Gondinet.

M. Becque, l’auteur des Corbeaux, est un terrible homme : il ne veut pas que l’art dramatique soit un art d’agrément. Ce n’est pas un jouvenceau qui s’amuse à fronder les gens sages pour leur ménager dès maintenant la joie de le convertir : il a quarante ans sonnés et ne connaît pas ces roueries. Ce n’est pas un débutant qui se risque plus qu’il ne voudrait et fait, par maladresse, des prodiges de courage : il a donné, voilà douze ans passés, un drame bizarre, mais d’une belle énergie, Michel Pauper, qui n’était pas son premier essai; il a fait jouer, depuis, une comédie en un acte, la Navette, qui mérite de rester au même titre que la Visite de noces; c’est un bijou comme la Visite, un bijou d’acier noir, un flacon ciselé qui ne tient qu’une goutte, mais d’une essence de misanthropie si pure qu’elle ne perdra pas de longtemps sa force. Au moins la Nacelle pourra demeurer comme document des basses mœurs de l’époque : ainsi de tel conte du XVIIIe siècle, classé de nos jours parmi les petits chefs-d’œuvre. M. Becque n’est donc pas un brouillon ni un naïf. Après quinze années de lutte pour parvenir au grand public, M. Becque fait recevoir un-pièce, une comédie en quatre actes, dans la maison de Molière. Qu’est-ce que Molière?