Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en un mot, font un ensemble de vie, d’animation, d’éclat qui doit certainement faire de Newport, pendant la saison, un des endroits élégans du monde, le plus élégant, disent volontiers les Américains, qui n’en sont pas médiocrement fiers. De la mer, par exemple, pas question. Sauf quelques villas qui sont situées sur le sommet des cliffs, c’est-à-dire des falaises, et au pied desquelles passe un sentier de promenade tellement étroit qu’on ne peut s’y promener qu’à deux (il n’en est pas moins fréquenté pour cela, au contraire), sauf, dis-je, ces quelques villas privilégiées, c’est sur le sommet d’un plateau sans relief que presque toutes les villas ont été construites, et on ne se doute pas du voisinage de l’Océan. Sur ce plateau, le mètre carré de terrain n’en a pas moins acquis un prix exorbitant que je ne me rappelle malheureusement plus, bien qu’on me fait répété nombre de fois. Tout ce qui possède, en effet, quelque fortune aux États-Unis et tout ce qui tient à faire partie du monde élégant (les deux réunis ne sont pas peu dire) possède ou cherche à posséder une villa à Newport Aussi le nombre de celles qui existent déjà est-il considérable et il s’accroît chaque jour. De celles qu’on cite et qu’on vous montre je ne puis parler que par le dehors, car leurs propriétaires étaient absens ; mais, grâce à l’hospitalité prévenante que nous avons rencontrée partout, j’ai pu pénétrer dans quelques-unes, plus modestes, quoique fort jolies encore, l’une, entre autres, très simple, mais d’un goût parfait, un véritable cottage à l’anglaise, avec des meubles en perse, mais orné de vieux portraits de famille. Trois femmes l’habitaient seules pour le moment et, au nom de leur sympathie pour la France, ont fait le plus aimable accueil aux quelques Français qui ont été amenés chez elles : une dame assez âgée, dont les plus anciens souvenirs de Paris remontent aux salons de la restauration ; une autre plus jeune, parfaitement au courant (j’en ai eu moi-même la preuve) des plus modestes productions de notre littérature ; enfin une ravissante jeune fille, type accompli de la grâce américaine, avec cette nuance d’érudition dans la conversation qui est propre aux jeunes filles de Boston, Il y a, soit dit en passant, querelle entre les jeunes filles de New-York et celles de Boston. Les premières reprochent aux secondes d’être pédantes, et les secondes reprochent aux premières d’être frivoles. Pour moi, qui n’en ai rencontré que d’aimables ou d’instruites (il se pourrait bien faire qu’il y en eût d’autres), je suis mauvais juge de la querelle ; mais s’il n’était dangereux de se décider sur un seul échantillon, ce serait peut-être aux jeunes filles de Boston que je donnerais la préférence.

Nous sommes venus à Newport pour répondre à une invitation des plus cordiales de l’état de Rhode Island. Cet état est, avec celui de Delaware, le plus petit que comptent aujourd’hui les États-Unis.