Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/688

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
BARON NOTHOMB

Le 16 septembre de l’an dernier, la Belgique a perdu l’un de ses hommes d’état les plus éminens, M. le baron Nothomb, qui succombait à une attaque d’apoplexie foudroyante, au moment où il allait se rendre à Carlsruhe pour assister au mariage de la princesse Victoria de Bade avec le prince royal de Suède. Né en 1805, dans un village du Luxembourg, il avait, à l’âge où d’autres finissent leurs études, pris une part considérable à la fondation d’un royaume, et depuis 1845 il n’avait pas cessé de représenter son gouvernement comme ministre plénipotentiaire à Berlin. Au lendemain de sa mort, plus d’un journal prussien lui a rendu ce témoignage qu’on aurait peine à remplir le vide qu’il laissait dans le corps diplomatique, où tout le monde faisait le plus grand cas de son caractère, de sa sagacité, de ses connaissances laborieusement amassées. Peu de jours après, M. Rothan, dans son beau livre sur l’affaire du Luxembourg, disait de lui : « C’était un homme de grande valeur, d’une expérience consommée, le type accompli du représentant d’un état neutre, sans passion, sans parti-pris, rond d’ailleurs, toujours pi et à obliger ses collègues, mais de force à les bien juger et à deviner les secrets de leurs portefeuilles. » Il était resté trente-six ans à Berlin, et lui-même expliquait le secret de son inamovibilité à l’un de ses compatriotes, M. Théodore Juste, qui, après avoir écrit sa biographie, vient de la compléter en publiant les Souvenirs du baron Nothomb. Il lui écrivait en 1874 : « J’ai pour principe, sans manquer de dignité et sans montrer de morgue, de ne me brouiller et de ne me familiariser avec personne. Ce n’est qu’à cette double condition qu’on peut durer. »