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de bien, cause légitime de divorce. Nous espérons qu’à la fin Dieu touchera le cœur du duc, et que dès à présent notre innocence est et sera assez connue de la postérité, ainsi que la légitimité de notre fils. » Tout fut réglé de point en point, comme l’exigeait Françoise. Les lettres patentes de Henri III sont formelles à cet égard : » Nous avons pris et prenons en main l’honneur de Françoise de Rohan, nous entendons et ordonnons qu’il ne lui puisse être imputé aucun blâme pour raison de ce qui lui est avenu, et la déclarons libre de contracter mariage. »

Qu’allait-elle faire de cette liberté qui lui était si tardivement rendue ? Tant que le duc vécut, elle ne se reconnut pas comme entièrement déliée. Le don Juan de la cour des Valois, l’irrésistible séducteur, avait expié par des maux précoces les brillans succès de sa jeunesse. Goutteux, perclus, il s’était retiré à Annecy. Catherine de Médicis, dans toutes les lettres qu’elle écrit à la duchesse, ne lui parle plus que des infirmités « de son pauvre mari. » — « Vous ferez mieux de venir vous faire soigner ici, écrivait-elle au duc une dernière fois, que de rester ainsi dans vos montagnes. » Ses forces ne le lui permirent sans doute pas. Au mois d’août 1585, il mourut à Annecy. Se considérant toujours devant Dieu comme sa femme légitime, Françoise laissa passer cette année de deuil et de veuvage, et le 5 août 1586 seulement, au château de Beauvoir-sur-Mer, elle signait une promesse de mariage avec François de La Selle, seigneur de Guébriand, sous la réserve de l’avis et du consentement du duc de Mercœur. Déjà, dans ses jeunes années, elle avait pris un pareil engagement au château de Frenois, en Bretagne avec Louis de Rohan, fils aîné de Henri de Rohan, prince de Guéménée, et de Marguerite de Laval. Ce projet, pour son malheur, n’avait pas eu de suites. Cette dernière promesse faite à Guébriand fut-elle tenue ? Nous ne pouvons le dire. Elle vivait encore en 1591, c’est tout ce que nous savons d’elle. Son fils mourut en 1596 sans avoir été marié et laissa, lui aussi, un enfant naturel, auquel il donna le nom de Samuel de Villemare.

Jaloux de l’honneur des d’Albret et en haine des Guises, Henri IV persista à appeler Françoise de Rohan Mlle la duchesse de Nemours.


HECTOR DE LA FERRIERE.