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au château de Saint-Maur-les-Fossés, et le cardinal de Lorraine allait procéder à la cérémonie, lorsque Me François Petit, huissier du parlement, qui se présentait au nom de Françoise, fit défense au cardinal de marier le duc et la duchesse. Ce courageux représentant de Françoise, aussitôt appréhendé au corps, fut enfermé dans la maison du lieutenant de la prévôté, et la cérémonie continua.

Ce coup de force fit reporter toutes les sympathies sur Françoise de Rohan. « Les protestans sont tous pour elle, écrivait de Paris sir Hoby, ambassadeur d’Angleterre à lord Burghley, et beaucoup de catholiques la plaignent, » et dans une nouvelle lettre, il ajoutait : « Il y a eu des mots très vifs échangés entre Jeanne d’Albret et Renée de France, belle-mère du duc de Nemours, au sujet de Mlle de Rohan[1]. »

Le mariage ainsi arbitrairement accompli, la lutte n’en continua pas moins. Le 17 mai suivant, Catherine écrivait à d’Oysel, notre ambassadeur à Rome : « Le roi mon fils a fait vider en son conseil l’appel comme d’abus interjeté par Mlle de Rohan de la sentence donnée par l’archevêque de Lyon. Toutefois, Mlle de Rohan a envoyé à Rome pour poursuivre et pour ce que vous savez comme j’aime ma cousine, étant mariée de bonne foi, de la voir en peine, accomgnez, je vous prie, les lettres que, tant le roi monsieur mon fils que moi écrivons à notre saint-père, de tout ce que vous connoitrez pouvoir servir pour faire qu’il décide ce négoce le plus promptement qu’il pourra. » Une lettre de Charles IX du même jour à M. de Tournon n’est pas moins pressante : « La voie d’appel de Mlle de Rohan tiendra toujours les personnes en une terrible irrésolution ; nous désirons qu’elles soient sorties de la peine où elles sont. Ce fait allant à la longue seroit d’une grande dépense. Vous prierez Sa Sainteté le faire juger par elle-même en consistoire, afin que le jugement qui interviendra soit d’autant plus autorisé[2]. »

Le pape Pie IV venait de mourir ; c’était le nouveau pape, Pie V, qui allait être appelé à décider du procès. À Théodore de Bèze, qu’elle avait chargé de l’éducation du fils de Françoise, Jeanne d’Albret écrivait : « Les affaires de ma cousine se passent assez bien. Le pape veut que le procès soit revu et n’approuve pas l’inique sentence de l’archevêque de Lyon. Il veut que cela soit jugé selon leurs décrets et par la voie ordinaire de leur justice. » Mais Françoise, ne partageant pas la confiance de Jeanne, demanda à Pie V de déférer la cause au parlement de Paris. Sa Sainteté ne tint compte de cette

  1. Calendar of state Papers, année 1566.
  2. Bibl. nat., fonds français, no 3314.