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pape Pie IV, afin d’obtenir que la cause fût enlevée à l’official de Paris et portée devant Antoine d’Albon, archevêque de Lyon. Il espérait trouver là des juges plus complaisans. Pie IV, sans trop se faire prier, céda à cette injuste requête. Citée le 20 mai 1564 devant un tribunal exceptionnel, Françoise fit défaut et en appela comme d’abus au parlement. Le parlement d’alors, se renfermant dans ses attributions judiciaires, environné du respect public, savait au besoin résister aux exigences de la royauté. Dans les circonstances présentes, sa conduite fut digne : il défendit au greffier de l’official de porter les pièces du procès à Lyon. Pour vaincre cette résistance inattendue, le duc de Nemours fut forcé de recourir de nouveau à l’intervention de Catherine de Médicis. Elle n’était plus à Lyon, la peste l’en avait chassée. Elle lui répondit le 13 juin de Crémieu : « J’ai fait faire l’expédition de votre affaire telle que vous verrez par la copie que je vous envoie avec la dépêche à Rome pour en faire par notre ambassadeur la sollicitation et en retirer l’expédition du pape telle que vous la désirez et que je seray très aise que vous ayez pour vous voir tant plus tôt hors de cette affaire[1]

Cette expédition, c’était le pouvoir donné à l’archevêque de Lyon, en s’aidant de dix assesseurs, de juger ce procès en dernier ressort, avec défense à tous juges tant ecclésiastiques que civils d’en connaître. Le parlement ne faiblit pas, il condamna de nouveau par défaut le duc, et Françoise de Rohan avait repris quelque espoir ; son illusion fut bien courte. Le duc de Nemours ayant rejoint la cour à Bayonne, où il était venu prendre sa part des fêtes données en l’honneur de la reine d’Espagne, il arracha à Charles IX le plus arbitraire des actes à force de supplications et chaudement secondé par la duchesse de Guise. Le jeune roi, par lettres patentes datées du 28 juin 1565, évoquait l’affaire devant son conseil privé. Jeanne d’Albret en fut révoltée. Se mettant au lieu et place de Françoise dans une supplique au roi signée de sa main, elle prend à partie tous les membres du conseil privé. Aux maréchaux, amiraux, gouverneurs de provinces, secrétaires d’état, à tous elle dit leur fait. Pas un d’eux, à l’entendre, ne sait le premier mot des formules de la justice et des règles des lois civiles. Tous sont suspects et récusables, étant parens des Guises ou leurs créatures. Elle n’épargne ni le président de Thou, ni le chancelier de L’Hospital même, auquel elle reproche d’avoir eu le premier l’idée de la lettre écrite par Charles IX au pape. Elle affirme que le duc de Nemours ne peut désavouer son fils, « lui étant tout semblable de figure, et, posant Françoise de Rohan non en suppliante, mais en victime, elle supplie le roi de renvoyer la cause devant le parlement, le seul tribunal

  1. Bibl. nat., fonds français, no 3215.