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été facile. Le grand obstacle a été les maladies apportées de France et qui se sout développées pendant la campagne, mais qui ont diminué et qui diminueront davantage, à mesure que l’on créera des installations définitives. Quant à la résistance, elle a été insignifiante. Les deux faits marquans, le massacre de l’Oued-Zargua et la révolte de Sfax, sont des accidens qu’on aurait pu éviter et qui ne suffisent pas à marquer que nous ayons affaire à des populations difficiles à conduire. C’est d’ailleurs l’opinion des généraux qui ont pris la part la plus active à la campagne ; ils ne font aucune comparaison entre le caractère belliqueux de l’Algérien et celui du Tunisien. On n’a presque jamais pu amener les insurgés à se battre, et il est bien regrettable qu’on ait pris au sérieux leur projet de défendre Kairouan. Une seule fois, dans le cours de ses chevauchées, le général de Saint-Jean a pu rencontrer environ deux mille Tunisiens en position de combat, avec leurs femmes et leurs enfans derrière eux et tout ce qu’ils possédaient. En pareil cas, les Arabes d’Algérie se défendent toujours et très durement, et malgré l’infériorité des armes, ils savent nous faire subir des pertes ; mais au premier coup de fusil, ceux de la régence s’étaient rendus sans condition; c’est le combat le plus mémorable que le général se souvienne avoir eu à livrer en Tunisie.

Seules, les tribus échelonnées sur notre frontière et sur la frontière de la Tripolitaine ressemblent un peu à celles de nos provinces et méritent quelque attention; des camps placés au milieu d’elles, à Aïn-Draham, au Keff, à Zarzis, leur ôteront toute velléité de révolte. Les autres fourniront au plus quelques méchans maraudeurs qui n’exigeront jamais la présence de beaucoup de soldats et ne seront jamais bien redoutables.

Tous ces Arabes vivent comme en Algérie. Les nomades habitent des tentes brunes tissées en poils de chameaux, peu élevées et ouvertes d’un côté à la poussière et au soleil. On voit, en traversant l’intérieur du pays, les pointes sombres de ces demeures s’élever faiblement au-dessus des touffes de cactus et de lentisques; les vaches et les chèvres noires broutent au milieu des arbustes, les hommes sortent de la tente, où ils sont obligés, sauf dans le centre, de se tenir accroupis; ils redressent leur haute taille et secouent les grands plis de leurs vêtemens pareils à ceux des patriarches de la Bible. Les femmes, qui ne sont pas voilées comme à Tunis et dans les villes, regardent l’étranger de leurs yeux sauvages et brillans. De grandes boucles d’argent passées aux oreilles paraissent vers leurs tempes; pour tout vêtement, une tunique très simple, en grosse toile bleue ou quelquefois rouge, tombant à plis droits, laissant nus les bras et le col, ouverte un peu au-dessous des hanches, sur le côté, jusqu’en bas. Les femmes des cheiks riches ont une