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Sous réserve de ces conditions, tout risque de voir porter atteinte aux droits du parlement tels que la constitution les déduit, ayant disparu, les partis libéraux pourront concourir à modifier la législation fiscale dans la mesure des besoins constatés pour l’amélioration des finances de l’Empire et des états particuliers.

Ainsi, les gouvernemens et les assemblées délibérantes, les fonctionnaires à tous les degrés, les villes et les campagnes, l’agriculture et l’industrie, les propriétaires ruraux, les populations ouvrières ont été entrepris à tour de rôle pour concourir à l’œuvre qui doit assurer, avec l’autonomie financière de l’Empire, la consolidation de l’unité nationale allemande. Afin d’intéresser tout le monde dans une propagande active, le prince de Bismarck s’efforce de faire entrevoir à chacun un avantage immédiat et direct dans la réalisation de son programme de réformes sociales et économiques. Aux gouvernemens des états particuliers il a promis de couvrir leurs déficits au moyen d’une participation plus large aux recettes des taxes indirectes à créer par l’Empire ; aux villes, l’abandon d’une partie des contributions directes jusqu’à présent réservées à l’état ; aux fonctionnaires, des augmentations de traitement ; aux propriétaires ruraux et à l’agriculture, un allégement de leurs charges ; à l’industrie des profits plus considérables sous l’effet d’une protection efficace contre la concurrence étrangère ; aux ouvriers une amélioration de leur sort par l’institution de caisses de secours et de retraite largement dotées. Somme toute, les résultats palpables de cette immense agitation ne répondent pas de loin à l’étendue des efforts, et les résistances que rencontre le puissant chancelier indiquent un temps d’arrêt dans le mouvement unitaire du peuple allemand. Les contribuables montrent peu d’empressement à soutenir ou à provoquer des mesures dont l’effet final se traduira par un accroissement de charges. Accueillies avec défiance par les classes ouvrières qui doivent en bénéficier, comme par la bourgeoisie qui est censée en faire les frais, les tentatives de socialisme d’état ne réussissent pas mieux que les demandes de nouveaux impôts. Pour accomplir ses projets le chancelier de l’Empire aurait besoin de trouver au parlement une majorité dont il ne dispose plus. Une dissolution du Reichstag n’offrirait au gouvernement aucune chance d’amélioration sous ce rapport. Les choses en sont venues au point que la majorité au sein du parlement allemand dépend, dans les conditions présentes, de l’appoint des Alsaciens-Lorrains, des Polonais et des Danois, tous Allemands malgré eux, et pour qui l’Empire germanique est une maison de correction où ils sont retenus à leur corps défendant.


Charles Grad.