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habileté toute mécanique, les procédés qu’ont créés et perfectionnés des générations très antérieures.

L’étude des monumens de l’art confirme les inductions que nous avons cru pouvoir tirer de l’examen et de la comparaison des écritures ; même différence entre la sculpture chaldéenne et l’assyrienne. Il faudrait, pour bien faire, pouvoir conduire le lecteur au Louvre et regarder avec lui les monumens ; tout au moins conviendrait-il de lui en mettre sous les yeux des dessins fidèles ou des photographies. Nous n’avons pas ici cette ressource et nous n’essaierons pas d’y suppléer par de longues et minutieuses descriptions ; ce serait risquer de lasser et de rebuter l’attention. Nous n’entrerons donc pas dans le détail et nous ne dresserons pas le catalogue de ces figures et de ces fragmens ; il suffira de faire ressortir les caractères par lesquels ces ouvrages paraissent se distinguer de ceux qu’ils sont venus rejoindre dans notre galerie.

Ces monumens, ceux de la Chaldée primitive et ceux d’une Assyrie presque moderne (les Sargonides sont postérieurs au commencement des olympiades), on a eu le droit de les rapprocher les uns des autres et de les réunir dans une même salle ; il y a des uns aux autres un lien très étroit de parenté et de filiation. Ce sont bien là les enfans d’un même génie, les œuvres d’une même école. Dans un travail auquel, nous ferons plus d’un emprunt, M. Heuzey a bien raison de dire que les statues de Sirtella n’ont qu’un faux air égyptien ; ce que l’on trouve ici, c’est déjà la méthode et le principe de l’art assyrien[1]. Le sculpteur de Memphis aperçoit le corps humain comme à travers une gaze qui supprime tous les accidens de la surface et ne laisse voir que l’ensemble et le dessin général des formes ; on dirait que celui de Ninive les regarde à travers un verre grossissant, que son œil est armé d’une loupe. Dans les statues de Goudéa (c’est ainsi qu’on croit devoir lire le nom du roi qui s’y est fait représenter), remarquez le modelé très accentué du dos, de l’épaule et du bras, ainsi que la franchise avec laquelle sont indiquées, sous la chair, les saillies de la charpente osseuse ; déjà vous avez là cette tendance à l’exagération du détail anatomique qui caractérise le faire de l’artiste assyrien.

Nous en dirons autant du costume. Vous n’avez ici ni la nudité athlétique, qui ne fera son apparition dans la statuaire qu’avec la Grèce, ni le pagne plissé de l’Egypte, qui découvre la jambe à partir du genou et tout le haut du corps, ni ces fines et transparentes étoffes de lin, que l’on portait sur les bords du Nil et à travers lesquelles se laissaient deviner les rondeurs du torse et les flexions

  1. Les Fouilles de Chaldée, communication d’une lettre de M. de Sarzec, par M. Léo. Heuzey. (extrait de la Revue archéologique, novembre 1881.)