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et des Nabuchodonosor, a pu faire, dans le monde oriental, un bruit dont l’écho est arrivé jusqu’aux Grecs, elle avait été, pendant les siècles précédens, à peu près constamment subordonnée à Ninive ; son histoire ne nous est d’ailleurs pas connue par une suite de textes aussi développés que ceux qui nous ont été légués par les rois assyriens ; enfui, et c’est là surtout ce qui fait la différence, on n’a rien retrouvé, on n’avait du moins rien retrouvé en Chaldée, jusqu’aux découvertes de M. de Sarzec, qui pût être comparé à ces grands ensembles d’architecture et de sculpture, accompagnés de longues inscriptions explicatives, qu’ont mis au jour, vers le milieu de ce siècle, les fouilles de Khoraubad, de Kouioundjik et de Nimroud. Les ruines de Babylone sont des masses énormes et confuses, où l’on ne distingue plus ni le plan et la disposition générale de l’édifice, ni aucun détail de la décoration ; celles des villes secondaires ont à peu près le même aspect ; elles n’avaient, pendant longtemps, rien livré qui fût de nature à frapper l’œil de l’artiste, rien qui eût, pour les esprits cultivés, le même attrait et le même intérêt que le répertoire si riche et si varié des bas-reliefs assyriens. C’est ainsi que, presque toujours, l’historien est tenté de sacrifier la Chaldée à l’Assyrie. Nous appelons Chaldée la partie septentrionale de la Mésopotamie, celle qui est tout à fait plate et qui touche au Golfe-Persique ; nous appelons Assyrie la partie septentrionale de cette même région, celle qui confine aux montagnes élevées de l’Arménie et du Kurdistan ; le territoire en est déjà, par places, tout au moins inégal et légèrement accidenté.

Pendant tout le cours de la haute antiquité, il y a eu là, entre le rebord occidental du haut plateau de l’Iran et le désert de Syrie, deux groupes ethniques, à la fois semblables et distincts, deux nations, vraies sœurs ennemies, qui se partageaient le double bassin de l’Euphrate et du Tigre. Chez toutes les deux, même fond de race, même type physique, celui que l’on appelle quelquefois le type juif, même langue et même écriture, mêmes principes d’art, emploi des mêmes matériaux, même style et même goût. Les croyances religieuses sont pareilles, les mœurs et le costume, l’étiquette royale et les rites du culte ne paraissent s’être distingués d’un peuple à l’autre que par des nuances bien légères. Ce qui fait surtout la différence, c’est que l’Assyrie s’est tournée tout entière vers la guerre et qu’elle est devenue, plus de dix siècles avant notre ère, une des monarchies militaires les plus puissantes que le monde ait vues, tandis que, sous une forme appropriée à ces âges reculés, l’esprit industriel et scientifique a toujours dominé en Chaldée. Lui aussi, le royaume du Midi, plus d’une fois, a eu des rois batailleurs, qui ont fait sentir au loin l’ascendant de leurs armes ; mais, cependant,