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collection fut embarquée à bord d’un bâtiment anglais, déposée à Marseille et dirigée sur Paris, où l’avait précédée, par une voie plus rapide, M. de Sarzec. Elle y était attendue avec impatience par les quelques personnes qui étaient dans le secret des travaux de M. de Sarzec et que ses lettres avaient tenues, mois par mois, au courant des résultats obtenus.

Cette attente ne fut pas trompée. Parmi les savans auxquels ces monumens furent montrée, il n’y eut qu’une voix : il importait, s’écriait-on, d’assurer à la France la propriété de tous ces objets. Depuis quelques années, le Louvre s’était laissé dépasser par les musées de Londres et de Berlin, plus richement dotés ; mais, par cette acquisition, il regagnerait, dans une certaine mesure, l’avance qu’avaient prise sur lui ses heureux rivaux. C’était ce que représentait, avec une vive insistance, M. Heuzey, qui, depuis le premier jour, n’avait pas cessé de suivre cette affaire avec autant de discrétion que d’ardeur et de passion contenue ; il était soutenu par M. de Ronchaud, alors secrétaire-général de la direction des Beaux-Arts. D’autre part, M. de Sarzec était dans les meilleures dispositions. À Bassorah, il aurait pu céder sa collection, avec un très gros bénéfice, aux agens anglais ; des ouvertures lui avaient été faites ; mais il les avait déclinées sans hésitation. Il se sentait moralement engagé ; lorsque les caisses étaient arrivées à Paris, il les avait fait porter et les avait ouvertes au Louvre.

Les fouilles avaient été faites presque complètement aux frais de M. de Sarzec et la dépense ne laissait pas d’être considérable. Outre le travail même ides excavations, il y avait le transport, puis les frais accessoires ; on n’opère pas, pendant quatre ans, en Turquie, sans qu’à lui seul le chapitre des bakchich ou cadeaux se solde par un assez fort total. Le consul ne demandait qu’à être largement couvert de tous ses débours. La difficulté, c’était que le Louvre ne disposait plus, sur la dotation annuelle, de fonds qui lui permissent de rembourser les sommes dont M. de Sarzec avait fait l’avance. M. Jules Ferry, alors ministre de l’instruction publique, obtint des chambres, en 1882, le vote d’un crédit extraordinaire de 130,000 fr., et, dès le lendemain, la collection était définitivement cédée à l’état.

Peu de temps après, le ministre créait au Louvre un nouveau département, celui des antiquités orientales ; dans ce cadre entreraient les monumens de tous les peuples, autres que les Égyptiens, qui ont précédé les Grecs dans les voies de la civilisation, les monumens de la Chaldée et de l’Assyrie, de la Phénicie, de la Judée et de l’île de Chypre ; M. Heuzey en était nommé conservateur. C’était justice. Personne n’avait été aussi intimement associé aux recherches de M. de Sarzec et n’en connaissait aussi bien le détail ; personne surtout n’avait aussi efficacement contribué à prendre les