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sont de premier ordre ; cette collection vient même d’être exposée[1] ; mais combien s’écoulera-t-il d’années avant que le public s’aperçoive du notable accroissement qu’aura pris ainsi celle de nos galeries dont la pauvreté était peut-être le plus affligeante ? Cependant, s’il est un art auquel nous ne puissions rester indifférens, c’est bien celui de Florence et des illustres cités qui lui font cortège dans l’histoire. De toutes les influences qui s’exercent sur les plus délicats et les plus fiers de nos artistes, c’est peut-être celle du génie toscan qui s’accorde le mieux avec les instincts et les désirs secrets de notre âme, telle que l’a faite ce XIXe siècle qui finit si tristement pour la France. Nous aimons la puissance expressive de ce style et nous cherchons à l’imiter ; sa grâce pénétrante, sérieuse et souvent mélancolique, parfois même presque douloureuse, nous touche vivement, quand nous cherchons dans le passé des modèles qui nous aident à traduire nos propres sentimens ; elle nous inspire mieux que ne le feraient la simplicité et la sérénité de l’art antique. Celui-ci pourtant, par ses qualités de perfection et de mesure, reste le fondement même de toute éducation qui prétend développer dans l’esprit le sens et la science de la forme. Tout monument qui nous révèle un nouvel aspect de la beauté grecque mérite donc, par là même, d’exciter tout d’abord l’attention des artistes et des gens de goût ; or, excepté peut-être une douzaine de curieux, qui donc se doute, à Paris, que le Louvre vient, ce printemps même, de mettre en place, dans la salle où sont réunies les œuvres grecques d’origine certaine, une statue archaïque des plus remarquables, cette Héra de Samos qu’il doit à l’habile diplomatie d’un pensionnaire de l’école d’Athènes, M. Paul Girard ? On alléguera peut-être, par manière d’explication, que les pédans seuls, — si l’on veut être poli, on dira les archéologues, — s’intéressent aux conventions et aux gaucheries de l’archaïsme ; mais comment se fait-il que tout au moins on ne connaisse pas mieux, ne fût-ce que parmi les artistes, cette admirable Victoire de Samothrace qui est entrée au Louvre en 1866, grâce à un de nos consuls, M. Champoiseau ? A l’étranger, pas une collection de moulages où l’on ne rencontre le plâtre de cette belle figure, qui est à la fois d’une exécution très savante et du jet le plus hardi, de la plus fière tournure ; à Paris, l’original en est presque ignoré.

Pourquoi cette négligence, ce délaissement et cet oubli ? C’est que les toiles des vieux maîtres, c’est que les marbres grecs et les madones de Pise et de Sienne, de Fiesole et de Florence n’ont pas

  1. On peut étudier déjà cette collection à l’aide d’un catalogue excellent, qui a été rédigé par les soins réunis de MM. de Tauzia, Gruyur, Saglio, Courajod et Molinier. À ce catalogue est jointe une reproduction en fac-similé du beau dessin de Raphaël, qui faisait partie de la galerie Timbal.