et par la multiplicité des questions qu’elle soulevait et par les difficultés qu’elle rencontrait. Qu’où se rappelle cette situation telle qu’elle apparaissait, telle qu’elle était réellement. Je ne parle pas seulement de la diminution de territoire par la perte de deux provinces, de la brèche ouverte dans nos frontières, de la dissolution des forces militaires et politiques, de cet état moral qui survivait aux désastres, qui se composait d’exaspération et de prostration. Je prends des chiffres. Il y avait d’abord et avant tout la rançon de 5 milliards à payer à l’Allemagne. Ce n’était là qu’un capital auquel il fallait ajouter les intérêts jusqu’à la libération définitive, les frais des opérations financières nécessitées par les circonstances, les dépenses d’entretien de l’armée allemande pendant l’occupation, qui pouvait durer plusieurs années: on arrivait ainsi à plus de 6 milliards. La défense nationale, d’un autre côté, avait absorbé 2 milliards 1/2 pour le moins. On avait vécu, pendant ces six mois, avec un premier emprunt de 750 millions voté en août 1870, avec un emprunt d’un peu plus de 200 millions réalisé à Londres au mois d’octobre et surtout avec les prêts successifs que la Banque de France avait faits, qui s’élevaient déjà à 1,330 millions, qui allaient s’élever à 1,530 millions. Ce n’est pas tout : il y avait les destructions de toute sorte, les pertes de matériel à réparer, les armemens et les approvisionnemens à reconstituer, les indemnités ou dédommagemens à payer à la ville de Paris ou aux provinces les plus éprouvées par les réquisitions et les contributions de guerre. La commune enfin contait plus de 230 millions. C’était, — sans compter ce qui ne pouvait être évalué, ce qui représentait encore plusieurs milliards, — un total de près de 14 milliards, peut-être plus, dont une partie considérable devait être payée argent comptant, à courte échéance, entre les mains d’un créancier impitoyable. C’était l’effroyable bilan fait pour confondre les esprits les moins timorés. Pour suffire à des charges qui dépassaient de beaucoup la rançon des défaites de 1814-1815, qui n’avaient jamais pesé de ce poids écrasant sur un pays, il n’y avait qu’une chose, bien grande il est vrai, — la fortune de la France. Mais cette fortune, pour le moment à demi épuisée, il fallait qu’elle retrouvât sa fécondité et ses ressorts, qu’elle pût se déployer de nouveau en liberté par la paix, le travail et le crédit. Il fallait que le gouvernement qui venait de naître pour relever la fortune de la France, ou, comme le disait son chef d’une façon spirituellement touchante, pour « administrer l’infortune nationale, » pût ressaisir les ressources publiques, agir sans crainte, sans hésitation, sans contestation, et c’est là justement que les difficultés commençaient et se multipliaient à chaque pas, sous toutes les formes.
Ces difficultés étaient immenses, de toute nature, sans parler même