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ans de guerres, une monarchie qui lui donnait la dignité devant l’Europe et des institutions réparatrices. Le second empire, après avoir recommencé le règne napoléonien sans le génie, périssait sans la gloire, tombant en quelques jours, de défaite en défaite, d’humiliation en humiliation, jusqu’à Sedan, — ce nouveau Waterloo, qui n’avait plus la grandeur épique du premier. Sedan avait emporté l’empereur, envoyé en prisonnier dans un château d’Allemagne. La journée du 4 septembre, répondant à l’affreux désastre de la Meuse, emportait dans une bourrasque parisienne ce qui restait du règne. Il disparaissait brusquement, cet empire de 1870, non plus avec les compensations de 1815, mais en laissant la France livrée à la fois à l’invasion et à une révolution, réduite à combattre sans armées, sans gouvernement reconnu, sans représentation légale, et à disputer son intégrité de plus en plus menacée à travers les hasards d’une guerre de plus en plus impossible.

Telle avait été, en effet, à cette heure cruelle de 1870, la violence des événemens qu’il n’y avait plus moyen de s’arrêter dans la voie sanglante. La guerre de l’empire avait duré cinq semaines; la guerre de la république ou de la défense nationale allait durer cinq mois, pendant lesquels la France n’avait plus à opposer au torrent de l’invasion que des efforts décousus, l’héroïsme passif de sa capitale assiégée, des armées improvisées en province et l’autorité équivoque d’un gouvernement coupé en deux, partagé entre Paris et Tours. Relever les armes tombées des mains de l’empire et refuser de subir la loi du vainqueur après un mois de campagne, combattre pour l’intégrité et pour l’honneur du pays, c’était sans doute au 4 septembre une œuvre de nécessité et de patriotisme. On pouvait encore se faire cette illusion que rien n’était perdu tant que le drapeau flottait sur les deux grandes citadelles du Rhin et de la Moselle, que Paris arrêterait l’ennemi, qu’avec un peu de constance on se relèverait et on donnerait à l’Europe le temps de s’émouvoir. A mesure qu’on s’avançait dans cette phase nouvelle de la guerre, cependant, l’inexorable vérité éclatait de toutes parts, sous toutes les formes. — Ce n’était pas le salut, c’était la continuation des malheurs préparés par l’empire, maintenant aggravés par la désorganisation intérieure et l’incohérence militaire. Paris tenait vaillamment dans ses murs, mais il ne pouvait rompre le cercle de fer qui l’étreignait. Les armées levées en province pour remplacer les armées de Sedan et de Metz rendues à merci ne manquaient sûrement pas de courage; mais elles ne pouvaient arrêter l’invasion qui débordait méthodiquement jusqu’à la Saône et à la Loire, jusqu’à l’Eure et à la Sarthe. L’Europe, sur qui on avait trop compté, assistait muette, embarrassée et inactive, à ce désolant spectacle d’un grand pays exaspéré et impuissant qui ne pouvait plus faire