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lentement, puis l’équilibre s’est fait, et pendant quelques jours, les transactions ont été presque complètement nulles.

La direction du marché est aux mains des banquiers, auxquels la hausse est nécessaire pour le succès d’un certain nombre d’opérations. L’mie de ces opérations, et la plus importante peut-être, est le maintien du crédit de l’Égypte pendant que ce pays traverse une crise des plus redoutables. La maison Rothschild a pris les valeurs égyptiennes sous son patronage, ce qui explique le cours de 310 sur l’obligation unifiée, avant même que le succès du général Wolseley fût un fait accompli. Une autre opération que la plupart des grands établissemens de crédit de Londres et de Paris sont intéressés à mener à bon terme est le relèvement des valeurs ottomanes par la reprise du paiement des coupons, c’est-à-dire par une première démonstration pratique de la valeur du règlement financier qui a consacré les nouveaux engagemens de la Porte ottomane à l’égard de ses créanciers européens. C’est hier 13 septembre que le premier coupon a été payé sur toutes les valeurs représentant la dette turque avec des fonds réellement fournis par la Porte et provenant de la perception des impôts en Turquie.

Pour d’autres opérations encore, et notamment pour l’achèvement de la conversion en Espagne, pour la liquidation du syndicat de l’emprunt italien, pour d’importans appels au crédit que doit faire l’Autriche-Hongrie, la haute banque a besoin que les idées de hausse prévalent sur le marché de Paris.

Aussi n’est-il pas étonnant qu’hier les cours des rentes et de quelques valeurs de spéculation se soient subitement relevés lorsqu’est parvenue la nouvelle du succès décisif obtenu par les troupes anglaises en Égypte. La prise de Tel-el-Kébir justifiait enfin la hausse de l’obligation unifiée, des valeurs ottomanes et du Suez.

Peut-être les banquiers — car il ne s’agit que d’eux et non pas du public, que l’on n’a pas encore pu arracher à l’abstention, — auraient-ils poussé avec plus d’activité le mouvement de reprise si la situation du marché monétaire ne commandait pas une grande circonspection. Depuis le commencement du mois, la cherté de l’argent a fait de rapides progrès. Le taux de l’escompte a été élevé à Amsterdam et à Berlin. Il sera très probablement porté aujourd’hui à Londres de 4 à 5 pour 100, et l’on ne sait encore quelle politique la Banque de France, qui a un milliard d’or, adoptera. Si l’escompte est maintenu ici à 3 1/2, la Banque aura beaucoup d’or à donner, mais les plus grosses difficultés seront évitées; si la Banque veut défendre son encaisse en élevant son escompte, on n’échappera pas à une crise monétaire, qui ne sera sans doute pas de longue durée, mais qui pourra être assez intense.

Quoi qu’il en soit, le 5 pour 100 reste au plus haut cours 116,65; il en est de même des deux 3 pour 100, du Suez, de la Banque ottomane,