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qu’il pourrait vive, pour ces états « un dispensateur libéral des ressources dont la constitution a mis les clés entre ses mains. » La constitution, il est vrai, présente les contributions matriculaires, demandées aux états particuliers sous la réserve expresse de leur consentement, comme un moyen transitoire pour couvrir les déficits de l’Empire et suppléer à l’insuffisance de ses ressources propres, en attendant que l’introduction d’autres impôts etablisse l’équilibre entre ses dépenses et ses recettes. Dans tous les pays du monde, les contribuables se ressemblent, et, en Allemagne pas plus qu’ailleurs, ils n’accueillent avec enthousiasme la proposition d’impôts nouveaux. Tout particulièrement cette proposition ne pouvait venir que comme une surprise importune, au lendemain même de la reconstitution de l’Empire après le paiement de l’indemnité française, en un moment où tous les membres de la nouvelle union caressaient l’espoir de s’enrichir avec leur part aux milliards, loin de se douter d’avoir à s’imposer de nouvelles obligations pécuniaires comme fruit de l’unité nationale. Lorsque les plaintes soulevées par l’accroissement continu des contributions matriculaires, à chaque renouvellement du budget, obligèrent le prince de Bismarck à demander pour l’Empire un supplément de revenus, rien ne fut négligé pour intéresser les états particuliers au bénéfice des impôts à créer par l’appât d’une participation aux excédons de recettes. Ces nouveaux impôts d’Empire rendraient-ils au-delà des besoins de son budget, non-seulement les états particuliers n’auraient plus à acquitter les contributions matriculaires, mais l’Empire leur ferait une pan dans ses propres revenus. Le chancelier cita au Reichstag, à propos de sa demande, la fiction de Menenius Agrippa, dans laquelle « les membres se plaignent et ne veulent plus servir l’estomac, parce que celui-ci reste inactif. » De même, dans l’Union allemande, « l’estomac refuse de remplir son devoir, de faire affluer aux membres la nourriture dont ils ont besoin pour leur subsistance, » car à l’Empire détient toutes les sources des revenus les plus productifs, sans que jusqu’à présent ses organes soient parvenus à s’entendre sur la manière de faire jaillir ces sources. »

La proposition de substituer aux contributions matriculaires des taxes spéciales, susceptibles de procurer à la caisse de l’Empire des recettes régulières immédiates plus considérables, n’obtint pas la sanction du Reichstag. Certes, nul ne pourra faire au Reichstag le reproche de manquer de patriotisme ni de refuser au gouvernement impérial les crédits nécessaires. Mais si le chancelier a pris la précaution d’attribuer dans la constitution un caractère transitoire aux contributions matriculaires, les partisans du principe fédératif considèrent le maintien de ces contributions comme une garantie d’autonomie pour les états particuliers. A leurs yeux, l’autonomie financière