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compromis dans les aventures républicaines de ces dernières années. Lorsqu’il a pris le pouvoir, il y a un mois, dans de circonstances assez difficiles, il l’a pris sérieusement, et il paraît tenir à ce qu’on sache bien qu’il ne s’est pas chargé d’être le chef d’un cabinet de vacances, le gérant temporaire et inactif des affaires. Maintenant qu’il est au pouvoir, il veut aussi qu’on n’ignore pas qu’il a sa politique, ses idées, son système de conduite. Autant qu’on en puisse juger, il entend choisir entre toutes ces questions qui s’agitent aujourd’hui, écarter les unes, préparer pour les autres une solution prudemment combinée, et au moment voulu aborder résolument les chambres, offrir la bataille aux partis sans se laisser diminuer dans des escarmouches de chaque jour. Il aurait ajouté, dit-on, que, s’il ne trouvait pas un appui suffisant, il pourrait être conduite proposer la dissolution. S’il s’est exprimé ainsi, il n’a fait que parler peut-être un peu trop tôt et dire avant l’heure le mot de la situation. Il est bien clair que le jour où il serait démontré par une expérience de plus qu’aucun ministère ne peut vivre avec la chambre telle qu’elle est composée, la dissolution deviendrait une irrésistible nécessité ; mais on n’en est pas encore là et M. le président du conseil garde évidemment la confiance de trouver le concours dont il a besoin, de pouvoir rallier à la politique sensée qu’il prétend représenter les diverses fractions du parti républicain, ou du moins un contingent parlementaire suffisant.

Tout cela est fort bien. M. le président du conseil entend être le chef d’un ministère sérieux et il se propose de caractériser sa politique par des projets mûrement préparés, sagement combinés ; il veut être un pouvoir modéré et modérateur, c’est convenu, c’est une digne ambition. Seulement, après toutes ces conversations et ces déclarations, on n’est pas mieux fixé. On ne sait ni quelles sont ces solutions, quels sont ces projets que M. le président du conseil se propose de défendre résolument devant les chambres, ni comment il espère rallier une majorité suffisante, suffisamment stable pour échapper à l’extrémité d’une dissolution. C’est là toujours la question. Ce qu’il y a de bien clair dans tous les cas, c’est que le choix, l’aveu d’une politique précise, nette, comme le dit M. le président du conseil, et surtout modérée, essentiellement rassurante, est ce qu’il y a de plus pressant dans la situation morale du pays. Il ne faut pas, en effet, une extrême sagacité pour démêler dans cette masse nationale qui travaille et ne s’agite pas un certain ébranlement, de la lassitude et même quelque dégoût. Ce n’est point sans doute, si l’on veut, que l’opinion se détache absolument de la république et en soit déjà à une réaction décidée contre un régime qui a pour lui le souverain mérite d’exister ; mais elle commence visiblement à hésiter et à se décourager. Elle se fatigue par degrés de ce spectacle humiliant et irritant de partis aussi médio-