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Ⅴ.

Après l’enthousiasme excité en Allemagne par la constitution de l’unité nationale, les étrangers ont de la peine à croire aux difficultés opposées maintenant aux mesures à prendre pour le couronnement de cette œuvre. L’autonomie financière de l’Empire allemand ne sera pas assurée sans la réforme fiscale qui doit procurer au budget commun de la nation des recettes propres égales à ses charges. On a lieu d’être surpris des résistances que rencontrent les projets du gouvernement impérial en présence des besoins d’amélioration manifestés par les déficits budgétaires de la plupart des états particuliers. Personne ne met en doute la nécessité d’attribuer à ces états tout au moins des recettes nouvelles suffisantes pour compenser leurs contributions matriculaires versées à la caisse de l’Empire. Personne non plus ne conteste l’exagération des impôts directs, démesurément accrus par les contributions additionnelles pour les communes et les cercles. Une diminution des charges des états particuliers et une réduction des contributions directes trop lourdes répond aux exigences d’une bonne politique. L’expérience des nations voisines recommande ces mesures, le peuple allemand en éprouve le besoin. Pourquoi les mandataires élus du peuple hésitent-ils ou refusent-ils de donner leur sanction à une réforme utile opportune, nécessaire même, par conséquent inévitable?

Pourquoi le Reichstag hésite à donner son consentement aux demandes de nouveaux impôts, les débats des dernières sessions de cette assemblée éclairent et renseignent quiconque a suivi ses travaux. Voici trois ans passés que le prince de Bismarck a exposé pour la première fois son programme financier à l’ouverture des déhbéraiions pour la revision du tarif douanier, dans une déclaration faite à la séance du Reichstag du 2 mai 1879 : « Le premier motif, a-t-il dit, qui m’oblige, en ma qualité de chancelier de l’Empire, à me mettre en avant pour la réforme, c’est le besoin de l’autonomie financière de l’Empire. » Et le puissant homme d’état complète sa pensée en ajoutant : « La consolidation de l’Empire, que nous poursuivons tous, sera favorisée par la substitution d’impôts de l’Empire aux contributions matriculaires. » Ces deux énoncés résument en termes clairs et nets tout le programme des reformes à accomplir. Dans la pensée du chancelier, l’Empire ne doit pas dépendre pour ses besoins budgétaires du bon vouloir des états particuliers : sa consolidation et sa durée impliquent son autonomie financière. Son gouvernement ne doit pas rester réduit au rôle d’un « pensionnaire importun » des états secondaires et des petits états, ni à celui d’un « créancier qui réclame son paiement, » alors