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C’est donc l’application excessive et anormale du cerveau qui diminue par compensation la vigueur génératrice, et surtout ce sont les mauvaises conditions d’hygiène dans lesquelles vivent les « penseurs » ou la nécessité de se surmener que leur impose souvent un travail excessif. Chez les peuples qui marchent à la tête de la civilisation, les minorités qui travaillent à l’excès pour l’avancement de cette civilisation s’épuisent vite et ont besoin d’être remplacés par des générations nouvelles. C’est une des causes de la stérilité relative des villes comparée à la fécondité des campagnes. Les foyers de vie intellectuelle, les grandes cités sont, pour M. Jacoby, les Minotaures de la civilisation ; mais ce n’est pas seulement, comme semble le croire M. Jacoby, parce qu’on pense trop dans les grandes villes, c’est parce qu’on y pense mal et qu’on y vit contrairement à toutes les règles de l’hygiène[1]. La loi biologique admise par M. Spencer n’est vraie que dans ses principes les plus généraux, non dans les conséquences extrêmes qu’il en a tirées, les circonstances spéciales pouvant apporter mainte perturbation dans les effets de cette loi.

Dans tous les cas, un temps doit venir où. s’établira enfin l’équilibre. Le système nerveux finira par devenir capable de faire face, sans se surmener, aux difficultés de l’existence, « de fournir à toutes les demandes reçues; » il cessera alors de se développer aux dépens de l’organisme. Par cela même, la fécondité sera normale, ni trop grande ni trop petite ; l’harmonie existera entre la population et les conditions de l’existence. Il y a donc du vrai dans cette conclusion finale à laquelle M. Spencer aboutit : l’excès de fécondité a rendu

  1. Aussi Bahnsen n’a nullement prouvé, selon nous, que les peuples qui seront à la tête de la civilisation à venir devront sortir de races aujourd’hui à demi plongées dans l’ignorance. Bahnsen, s’appuyant sur le rapport inverse du développement cérébral et du développement sexuel, a écrit cette phrase curieuse, spécimen du fatras germanique : « Plus la lumière de la conscience, arrivée au zénith de sa splendeur historique universelle, dessine avec netteté les contours des fleurs de la vie, plus sûrs et plus rapides sont le déclin et l’anéantissement de la puissance germinative sous l’éclat de cette lumière trop vive, tandis que la fraîcheur d’une demi-conscience, douce comme un clair de lune, conserve les peuples réservés pour l’avenir. »