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autres ne sont que du remplissage officiel, à peu près aussi indifférentes que le boire, le manger ou le dormir. Ce n’est pas assez que l’historien soit un paléographe, un érudit, il doit être un moraliste, il doit lire sous les mots, pénétrer les textes, retrouver l’homme sous l’acteur, il faut que, sous les injures des pamphlétaires et les louanges des courtisans, sous le manteau des préjugés, de l’étiquette, de la mode, à travers les enveloppes que font le temps, la distance, les mœurs, les conventions, il découvre l’âme humaine, toujours livrée aux mêmes tentations et tourmentée des mêmes passions. C’est en vain qu’on croit suppléer à ce labeur philosophique en entassant les faits sur les faits ; les longues énumérations, le défilé des citations, la mêlée des détails troublent l’esprit comme ferait une grande revue, où tous les régimens marcheraient en désordre, où les chefs seraient mêlés aux soldats, où toutes les armes seraient confondues. Les laborieux savans, qui publient des documens, comme M. Gachard, comme l’éditeur des lettres de Granvelle, ne peuvent pas abréger, ils donnent des textes et leur mérite est de n’y rien altérer. La tâche de l’historien est tout autre ; il est juge, il est rapporteur d’un procès, il pèse les témoignages, il confronte les bourreaux et les victimes, il cherche les leçons cachées sous les événemens. Si laborieuse qu’ait été son œuvre, nous lui demandons la clarté, la simplicité ; nous ne pouvons pas tous revivre le passé, nous voulons seulement en avoir des sortes de visions saisissantes, lumineuses, qui s’enfoncent et se gravent dans la mémoire.

Nous n’avons comparé que Prescott et M. Forneron : leur méthode est la même, mais leur façon d’écrire est toute différente, comme leur façon d’entrer, de pénétrer dans le passé. Le contraste serait bien autrement grand si l’on relisait quelque historien du siècle dernier. Voltaire a mis quatre chapitres sur Philippe II dans son Essai sur les mœurs. Ce n’est plus là, à proprement parler, de l’histoire ; Voltaire ne fait qu’un crayon de Philippe II ; mais comme la touche est juste ! comme le trait est fin et hardi en même temps ! comme, en somme, les jugemens sont vrais ! La précision, l’agilité du style ont quelque chose de surprenant. Après la paix de Vervins, conclue avec Henri IV, Voltaire résume ainsi l’état de l’Europe : « Le pouvoir de Philippe fut alors comme un grand fleuve rentré dans son lit, après avoir inondé au loin les campagnes. Philippe resta le premier potentat de l’Europe. Élisabeth et surtout Henri IV avaient une gloire plus personnelle ; mais Philippe conserva jusqu’au dernier moment ce grand ascendant que lui donnait l’immensité de ses pays et de ses trésors. « On n’écrit plus l’histoire de ce style, et nos écrivains laborieux mépriseront peut-être cette manière claire, lucide, large, mais qui oserait dire que le jugement ne soit pas conforme