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de recevoir en échange ce qui est nécessaire à son travail ; en face de magasins pleins et d’ateliers vides, le commerce meurt à la fois de pléthore et d’inanition. Et il ne s’agit pas seulement de la ruine. L’Angleterre ne produit pas assez pour nourrir ses habitans ; elle n’est pas approvisionnée, d’après ses statisticiens, pour plus de quatre mois ; si un blocus dure ce temps, il amène la faim. D’ordinaire, sans doute, les choses n’iront pas à cette extrémité, toutes les frontières d’un pays ne se trouveront pas fermées ensemble ; mais quand des passages resteraient ouverts à l’échange, quand le blocus n’aurait d’autre résultat que d’obliger les marchandises à prendre des voies détournées, le dommage resterait immense. Toutes les nations situées dans des conditions économiques à peu près analogues se disputent la clientèle du monde. C’est à de très faibles différences de prix qu’elles la gagnent ou la perdent, c’est d’élémens multiples et parfois très faibles que le prix se compose ; le transport est un de ces élémens principaux. L’on sait quels sacrifices consentent les divers peuples pour tracer, notamment à travers les Alpes, des voies plus courtes à leurs produits. Le détour qu’un blocus même partiel impose aux marchandises aura pour résultat certain de capter, soit au profit du pavillon neutre, soit au profit de la puissance belligérante, des courans d’affaires. Tandis que des relations se nouent entre des centres autrefois sans rapport, le pays, séparé de la vie commerciale, perd ses facultés productrices et, si cet état se prolonge, tombe accablé non-seulement par ses pertes présentes, mais par son impuissance à les réparer dans 1 avenir. Voilà, à une époque où les intérêts gouvernent le monde, l’efficacité du blocus : il est plus qu’une arme militaire, il est une arme économique.

Le premier résultat des transformations accomplies a donc été de renverser l’importance relative des divers objectifs de guerre. Tandis que l’ancienne marine hasardait rarement la guerre de côtes, trouvait un élément durable dans la guerre de course et frappait ses plus grands coups dans la guerre d’escadres ; l’attaque du littoral sera durant toute la lutte l’opération capitale, la poursuite des navires marchands une ouverture importante d’hostilités, l’attaque des bâtimens de combat un accident dans les opérations, dont il interrompra le cours.


ETIENNE LAMY.