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littoral à défendre, de les placer à proximité de frontières à attaquer. Entre les mêmes points, comme la force et la direction du vent faisaient sans cesse varier la route, il i)’y avait pas même distance, et pour une voie inconnue peu importait d’où l’on partît. Ce qu’il fallait à la navigation, surtout dangereuse près de terre, c’est sur les rivages des refuges, et la marine la mieux en sûreté était celle qui possédait les ports les plus nombreux. Grâce à la nature du matériel flottant, ils étaient faciles à trouver. Toute baie, tout fleuve profond de 7 à 8 mètres étaient aptes à recevoir les vaisseaux ; la sûreté des rades, la largeur et l’orientation de leurs passes désignaient les positions les plus favorables. Peu de magasins, pour un matériel solide et simple ; moins encore d’outillage, pour des travaux proportionnes à la force de l’homme et qui s’accomplissaient par sa main ; quelques ouvrages fondés à la mer, dont les plus dispendieux étaient les formes de radoub, établies seulement vers la fin du dernier siècle et qui, en très petit nombre, suffisaient à entretenir les carènes de bois et les doublages de cuivre, il n’en fallait pas davantage pour faire de grands ports. L’état n’avait pas seulement à sa disposition ceux qu’il créait pour son usage. Les mêmes formes, le même matériel de navigation s’imposaient aux navires de commerce : percer de sabords et de canons la muraille d’un navire marchand était le transformer en bâtiment de combat, et l’on ne faisait pas autrement les corsaires qui se mesurèrent tant de fois sans désavantage avec les vaisseaux de ligne. Les principaux havres offraient par suite les installations, les profondeurs et, sauf les armes, le matériel nécessaires à la marine nationale. Ils avaient le caractère et portaient le nom de « ports mixtes, » soit que l’état s’y fût réservé un arsenal particulier, soit qu’il s’y contentât des installations et du personnel préparés par le commerce. En ce cas, s’il n’avait pas la charge, il n’avait pas la libre disposition des choses et des hommes, mais le plus important était de concilier l’intérêt de l’économie avec la nécessité d’ouvrir aux flottes assez d’asiles pour les contenir. À cette époque, la grandeur des vaisseaux étant limitée, c’est leur nombre qui se développait et comme, empruntant leur seule pratique constante au cours régulier des saisons, ils commençaient leurs campagnes au printemps pour les finir à l’automne et fuyaient tous ensemble la mer trop orageuse de l’hiver ; leur multitude eût été trop à l’étroit dans l’enceinte de quelques arsenaux. Dispersés dans leurs postes d’hivernage, ils mettaient à profit, par une sage division du travail, toutes les ressources des ports et préparaient leurs nouvelles campagnes.

Restait à les protéger contre les insultes. Mais une lutte entre des vaisseaux ennemis et le littoral donnait tout l’avantage à la défense. Dans les murailles de bois, partout vulnérables, les projectiles