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c’est là qu’elle aura montré le plus de faiblesse. On sait que la tactique constante de l’Allemagne a été de placer ses ennemis entre deux feux : en 1870, elle ne nous a pas attaqués directement ; elle est allée nous provoquer en Espagne. Peut-être un jour lui sera-t-il plus facile encore de nous provoquer en Afrique, avec le concours de toutes les nations qui nous jalousant et avec le fanatisme musulman pour arme de guerre. N’ayant pas su maintenir notre influence aux lieux où ce fanatisme naît et s’alimente, devrons-nous nous étonner que de plus habiles et de plus prévoyans s’en servent contre nous ? la crainte que les Vosges ne fussent menacées a fait abandonner l’Orient. Dieu veuille qu’un jour nous ne soyons forcés de défendre sur les Vosges, non plus l’Orient, mais l’Algérie ! Il semble que la fatalité de notre histoire nous condamne à perdre toujours nos colonies sur le continent. C’est ainsi que nous avons perdu au XVIIIe siècle et au commencement de celui-ci l’admirable empire colonial dont j’ai parlé ; c’est ainsi que nous risquons encore de perdre les possessions nouvelles qui nous promettraient un empire non moins beau, si nous savions le conserver après l’avoir créé.


IV.

J’aurais fini si je ne croyais pas devoir dire quelques mots des théories radicales auxquelles je faisais allusion en commençant sur la politique républicaine et sur la politique monarchique. Est-il vrai, comme on l’affirme, qu’il y ait à l’extérieur une politique différente pour les monarchies et pour les républiques ? Ceux qui l’affirment avec le plus de vigueur n’en donnent aucune preuve. Ils se contentent de phrases banales, parfaitement creuses, qu’ils n’ont garde d’expliquer, et pour cause ! À leur avis, les républiques n’ont à se préoccuper ni de l’honneur national, qui n’est qu’une illusion monarchique, ni du prestige diplomatique, qui n’est qu’un mirage grossier, ni des intérêts personnels, toujours peu respectables. Leur seul but est l’émancipation des peuples et l’expansion des idées libérales. D’ailleurs elles doivent se méfier de tout esprit de conquête ; car la conquête matérielle est un crime qu’aucune circonstance ne justifie. Pour elles, le monde se divise nettement en deux parties : d’un côté sont les gouvernemens, tous plus ou moins oppresseurs, avec lesquels il n’y a pas d’accord possible ; de l’autre les peuples, tous plus ou moins opprimées, qu’elles ont pour mission de secourir et de protéger. Les radicaux sourient lorsqu’on leur parle d’alliances. La France, d’après eux, ne saurait s’allier à aucune autre nation européenne ; car toutes ces nations, sauf la Suisse et la république d’Andorre, sont des monarchies ; or il n’y a d’alliance possible qu’en