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matérielle de l’Empire allemand et si les sacrifices nécessaires pour être à tout moment prêt à marcher au combat n’aboutiront pas pour l’Allemagne à un suicide économique. Il ne manque pas de gens, même en Allemagne, qui jugent les armemens de la nation unifiée au-dessus de ses forces et en tirent la conclusion d’une inévitable catastrophe. Telle n’est pas notre appréciation, car nous ne voyons pas que les charges actuelles de l’Empire excèdent ses moyens. Le budget de l’Empire allemand est inférieur au budget militaire de la France. Sauf quelques voix isolées et sans écho, personne ne demande, même dans les rangs de l’opposition au Reichstag, à diminuer les crédits affectés à l’armée. Tout au plus les chefs de l’opposition parlementaire emploient-ils leurs efforts à combattre les projets d’impôts nouveaux, sans refuser pourtant toute augmentation de crédit pour les dépenses militaires. Si le peuple se plaint de ses contributions, il ne les en acquitte pas moins honnêtement, avec les surtaxes. Dans les états du Sud, où les charges publiques ont été de tout temps moins lourdes que dans le Nord, où l’humeur est moins belliqueuse aussi, les masses, peu sympathiques au régime prussien, murmurent davantage, en comparant l’existence plus facile dans le passé aux exigences impérieuses du présent. Prétendre cependant, comme on l’essaie de l’autre côté des Vosges, que les Allemands ne supporteront pas longtemps leurs obligations militaires actuelles, c’est mal apprécier l’état réel des choses et des esprits. En Prusse, les hommes de l’opposition, ceux qui votent pour les candidats progressistes, se lèvent comme les conservateurs quand le gouvernement touche la corde patriotique. Et quand ce même gouvernement signale un danger national ou montre le sol de la patrie menacé, Bavarois et Wurtembergeois, oublieux de leurs rancunes particularistes, accourent et se rangent vite à côté des détestés Prussiens. Sous le drapeau national il n’y a plus que des Allemands obéissant à une commune discipline.

Jusqu’au 31 décembre 1881, les états particuliers étaient tenus de verser à l’empereur, commandant supérieur des troupes de l’Union, une taxe annuelle de 225 thalers ou 843 fr. 75 par homme sous les armes, pour l’entretien de leur contingent. Aux termes de la constitution de l’Empire, cette contribution doit continuer à être versée dans la caisse commune ou portée au compte des différens états. Pour un effectif de 449,257 hommes actuellement sous les drapeaux, la marine non comprise, cela équivaudrait à 303,228,475 marcs. Or le projet de budget pour l’exercice 1882-1883 porte pour dépense ordinaire de l’armée 343,823,789 marcs ou 429,779,736 francs, soit environ 1,016 francs par homme, répondant à une contribution de 10 francs par tête d’habitant, à raison