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constitution pour répondre aux charges communes. Que l’empereur déclare la guerre ou qu’il trouve bon de faire la paix, tous les pays de l’Allemagne sont contraints de fournir leurs contingens et de se soumettre, sans résistance possible pour aucun des gouvernemens médiatisés, réduits à l’état de fantômes, semblables à ces ombres inconsistantes, ces formes creuses qui voltigent dans le vide et dont parle la Sibylle :


Et, ni docta cornes tenues sine corpore vitas
Admoneat volitare cava sub imagine formæ,
Irruat, et frustra ferro diverberet umbras.


L’un ou l’autre serait-il tenté de désobéir à un ordre donné au nom de l’Empire, une exécution immédiate le rappellerait à son devoir ou à ses obligations. « Si des membres de la confédération ne remplissent pas leurs devoirs fédéraux prévus par la constitution, disait l’acte de 1867, ils pourront y être contraints par voie d’exécution. » Cette disposition a été maintenue dans la constitution de l’Empire révisée en 1871, pourtant sans les complémens de l’article 19 de la constitution primitive de la confédération de l’Allemagne du Nord, qui ajoutait : « L’exécution fédérale, quand il s’agira de prestations militaires, et lorsqu’il y aura péril en la demeure, devra être ordonnée et accomplie par le commandant des forces fédérales. » Et plus loin : « L’exécution pourra être étendue jusqu’à la séquestration des pays qu’elle conserve et de ses pouvoirs gouvernementaux. » Lors de la révision de la constitution, la peine de la séquestration a été effacée, comme une menace désormais superflue, toute l’administration militaire dépendant maintenant directement de l’empereur, sans ingérence possible pour les princes des états médiatisés. Avant la proclamation de l’Empire et sous le régime de la confédération du Nord, les états de l’Allemagne au sud de la ligne du Mein avaient déjà été liés par des traités d’alliance offensive et défensive, avec l’obligation d’organiser leurs forces militaires sur le modèle de la Prusse, aussi bien que les états immédiatement entrés dans la confédération du Nord. Toutes les parties de la constitution de l’Empire allemand et les actes qui l’ont préparée portent l’empreinte de la forte main du chancelier, et si ces actes consacrent l’unité nationale, toutes leurs dispositions concourent avant tout à faire de l’Allemagne une puissance militaire de premier ordre, livrée à la discrétion de la Prusse.


III.

On se demande souvent, en France surtout, si l’exagération du militarisme n’entraînera pas dans un avenir rapproché la ruine