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Là-dessus émotion croissante ! On a voulu alors se mettre à la hauteur des circonstances. On a préparé au cercle républicain de Carcassonne une grande réunion de toute la démocratie de la région pour rendre des arrêts plus solennels, pour décréter plus que jamais l’indignité du préfet et sauver la république en péril ! Cette fois, M. le préfet Bossu a répondu sans plus de façon en dissolvant le cercle républicain et en interdisant la réunion. Il est clair que la « démocratie carcassonnaise » n’a pas été contente, et la guerre engagée dans l’Aude est loin d’être finie. L’incident est assurément bizarre. Il y a dans tous les cas une moralité facile à dégager dès ce moment. Rien de tout cela ne serait arrivé ou n’arriverait évidemment si on ne faisait assez ridiculement des instituteurs des espèces de personnages infatués de leur rôle, si on ne laissait s’établir dans chaque département, dans chaque arrondissement, une sorte de sanhédrin républicain ayant la prétention de faire la loi, de disposer des fonctions, de régenter préfets et sous-préfets.

Quel sera le dénoûment du conflit à Carcassonne ? M. le ministre de l’intérieur, il faut le dire, a soutenu jusqu’ici son préfet ; il a refusé d’obéir aux décrets de la a démocratie carcassonnaise ; » mais quoi ! il est à croire qu’entre républicains on finira par s’entendre. M. le préfet Bossu aura été soutenu et obtiendra de l’avancement en passant à une autre préfecture. L’instituteur suspendu rentrera dans son école après une légère pénitence. Le cercle républicain sera rouvert, la paix démocratique refleurira dans Carcassonne. Tout sera pour le mieux ! C’est ce qu’on appelle travailler à la « conciliation » et à la « stabilité du gouvernement. »

Ce qui s’est passé à Montceau-les-Mines est d’une autre nature et pourrait certes avoir plus de gravité. Ici, dans ces régions minières de Saône-et-Loire, des hommes affiliés à une société secrète, enrégimentés, ont levé tout à coup un drapeau d’insurrection et ont formé des bandes qui ont couru le pays. L’agitation et les violences ont été assez sérieuses pour que des forces militaires assez importantes aient dû être immédiatement envoyées, et, en réalité, la sédition a été bientôt comprimée. Rien de plus mystérieux encore que le vrai caractère de ce mouvement. Ce n’est point une grève ordinaire, puisque dans tout cela la question des salaires semble n’avoir aucun rôle. Que la sédition ait une signification socialiste plus générale, cela n’est pas douteux, et c’est même avoué par les chefs de secte qui ont la prétention de diriger les ouvriers. Ce qui est bien certain dès ce moment, dans tous les cas, c’est que l’émeute a commencé par des scènes de dévastation, par de véritables attentats contre l’église, contre le curé, contre l’école congréganiste. Les insurgés ont employé la dynamite pour faire sauter la porte de l’église ; le curé a été un moment arrêté. Or