Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ont rempli les dernières séances du parlement avant sa séparation, qui sont restés et restent encore pour lui une sorte d’énigme.

Le pays voudrait d’abord la paix, cela n’est pas douteux ; il voudrait aussi qu’on s’occupât un peu moins de la réforme du concordat, de la séparation de l’église et de l’état ou de la mairie centrale de Paris, et un peu plus de ses vrais intérêts, des questions pratiques dont la solution pourrait être profitable pour lui. Il reste sensé dans ses opinions comme dans ses vœux, et, sous ce rapport, la session des conseils-généraux répond peut-être beaucoup mieux que la dernière session législative à l’état réel de l’opinion. Cette session, qui a commencé il y a quelques jours à peine, presque au lendemain de la séparation des chambres et qui est déjà finie dans la plupart des départemens, semble avoir été particulièrement paisible cette année. On dirait que ces modestes assemblées locales, si utiles lorsqu’elles ne sortent pas de leur rôle, ont tenu cette fois à éviter de paraître continuer l’agitation parlementaire en ravivant sous une autre forme de fatigantes querelles. La politique de parti a été à peu près étrangère à leurs délibérations ; les affaires ont eu la première place dans les conseils-généraux.

Il y a eu même un certain nombre de départemens où l’esprit de bienveillance et d’équité a singulièrement adouci les rapports entre adversaires et a mis une sorte d’aménité familière dans ces réunions de province. La modération a visiblement dominé dans les assemblées départementales comme elle domine dans le pays, et c’est là justement ce qu’il y a de curieux, après les mêlées bruyantes et incohérentes de la dernière session parlementaire. La seule politique qui se soit fait jour dans les conseils-généraux est celle qui s’est manifestée par les discours de quelques-uns des présidens de ces assemblées, qui ont eu l’air de faire un peu la leçon aux groupes parlementaires, aux frères ennemis de la majorité républicaine.

On a parlé contre les divisions républicaines, contre les crises ministérielles qui naissent incessamment et forcément de ces divisions ; on a prêché l’union, la conciliation, le respect des institutions, la modération, la stabilité du gouvernement. Jamais on n’avait entendu tant de sages recommandations. Tout cela est au mieux. Seulement la question est toujours de savoir ce qu’on veut dire avec tous ces mots honnêtes et rassurans d’union, de conciliation, de stabilité du gouvernement. Ceux qui parlent ainsi, et qui sont évidemment sincères, oublient un peu trop qu’on ne crée pas un gouvernement stable avec les idées de subversion que les républicains mettent dans leurs programmes ou qu’ils sont toujours prêts à favoriser, ils ne s’aperçoivent pas que le mal profond et redoutable est dans la politique qui a régné depuis quelques années, dans cette politique, qui, sous prétexte de