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Molière, pour nos gazetiers, est bien


L’admirable et plaisant Molière
Le Mome des Terrestres Dieux
Comme l’autre est Molière aux deux ;


mais qu’après la collation et la chasse, on joue de lui l’Amour médecin.


Qui fut trouvé drôle et follet,


ou bien qu’on donne un ballet composé sur l’ordre exprès du roi par le marquis de Dangeau pour les paroles et le marquis de Frémenteau pour la musique, la différence est petite et le public ne l’aperçoit qu’à peine ; encore ne jurerais-je pas qu’elle ne soit en faveur des marquis. Voyez la distribution de leur ouvrage ! Gentilshommes du pays : le Roi et le marquis de Villeroi ; Gouverneur de la province : le Roi ; Sa femme : Madame ; Son frère : le marquis de Villeroi ; Sa sœur : Mlle de La Vallière ; Ceux qui chantent les récits : les marquis de Grignan et de Frémenteau ; Chasseur : le duc d’Enghien ; Bohémien : le comte du Lude ; Nymphe : Mme la princesse de Monaco ; Femme du capitaine du château : le duc de Roquelaure ! Assurément Molière n’eut jamais de distribution plus belle : or quoi de plus important que la distribution, s’il ne s’agit que de divertir ceux qui feront les acteurs ? Molière a sur M. de Dangeau cet avantage qu’il sert plus souvent, en somme, au plaisir de ses contemporains ; mais aucun signe ne le marque entre tous ; aucun ne distingue ses ouvrages. On nous dit quand il est malade, on se félicite de sa rentrée ; mais quel deuil on mène quand meurt Beauchâteau ! Robinet parle une fois du Misanthrope, et Subligny une fois ; Mayolas n’en dit rien. Mais sur les Amours de Jupiter et de Sémélé aucun des trois ne tarit d’éloges ; chacun en parle deux fois, c’est l’événement de l’année, le Michel Strogof de l’époque : il fait plus de bruit, naturellement, qu’une Madame Caverlet. La tragédie de Boyer est une pièce à spectacle : il en coûte cher de l’aller voir, tant les frais ont été grands, mais il faut l’aller voir.


Curieux, allez voir la pièce du Marais…
Le machiniste avoit, je croy, le diable au corps
Lorsqu’il fit de telles merveilles…
Dans ses Vols, ses Rochers, ses Eaux et ses Palais.


Ainsi parle Subligny. Mayolas a payé sa place et ne paraît pas regretter son argent :


A moy, qui l’aime dessus tous,
Il m’a coûté jusqu’à cent sous.