Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutefois, un homme d’état clairvoyant sait attendre l’heure propice pour la réalisation de ses projets sans les compromettre en précipitant les événemens. La confédération germanique devait être, d’après la déclaration formelle de l’article premier du traité de Vienne, signé le 15 mai 1820, une union des princes allemands et des villes libres. Cette union devait rester indissoluble et aucun des membres contractans ne conservait le droit d’en sortir. Elle avait pour but d’assurer la sécurité de l’Allemagne à l’intérieur comme au dehors, en sanctionnant l’indépendance et l’intégrité des états particuliers. Chacun de ces étais, indépendans les uns des autres, conservait sa souveraineté pleine et entière. Point de pouvoir central qui rappelât la nature ou les qualités d’un gouvernement commun à tous. La volonté de l’union, résultant de la composition des volontés des états particuliers, était exprimée par la diète fédérale, où chaque état était immédiatement représenté par ses plénipotentiaires. De fait, le rôle de la diète se réduisait à celui d’une simple autorité de police. La fameuse proclamation de Kalisch avait bien annoncé « aux peuples allemands le retour de la liberté et de l’indépendance, et la renaissance de leur vénérable Empire, » promettant « que l’exécution de ce grand œuvre devait être réservée uniquement aux seuls princes et peuples de l’Allemagne, afin que celle-ci ressortit plus jeune, plus vivace et plus en unité de l’esprit propre à l’Allemagne de toute antiquité. » Toutefois, aucune de ces espérances ne s’est réalisée. Dans les relations extérieures, l’entière nullité de la confédération se manifesta dès le début ; les promesses faites au peuple allemand ne produisirent aucun résultat non plus pour ses affaires intérieures. Le particularisme et la souveraineté des états, la jalousie de l’Autriche et de la Prusse, l’unanimité de voix nécessaire à la diète pour les grandes mesures d’intérêt commun eurent pour effet de faire échouer toutes les tentatives, tous les essais d’amélioration. Non sans raison, les esprits libéraux reprochaient à la diète de mettre sa principale activité à créer des difficultés au développement constitutionnel des états secondaires, afin de sauvegarder le principe monarchique. Contrairement aux engagemens pris, disaient-ils, l’union des états allemands se réduisait à une simple union personnelle des princes : zu einem rein persönlichen Furstetibunde. L’assemblée de Francfort essaya, sans y réussir, à la suite des événemens de 1848, de transformer la confédération des états allemands en un état fédératif.

Les aspirations unitaires exprimées au parlement de Francfort répondaient trop aux visées traditionnelles de la Prusse pour ne pas engager celle-ci à entreprendre ou à poursuivre l’œuvre de l’unification à son profit par absorption de l’Allemagne. Ce drame commencé par le grand électeur, continué par Frédéric II, repris par