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LA GRANDEUR ET LA DÉCADENCE
D’ALI-KOURSCHID BEY

« J’étais perdu et j’ai été retrouvé ; j’étais mort et je suis ressuscité. » — C’est en ces termes que M. Basile Miltiade Nikolaïdy commence le curieux petit livre dans lequel il nous raconte le roman de son étonnante jeunesse, et on assure que dans ce roman tout est vrai. À ce compte, il faut avouer que peu d’hommes ont débuté dans la vie par des aventures plus singulières, par des vicissitudes de fortune plus tragiques et plus bizarres[1]. Les amis de M. Nikolaïdy avaient souvent entendu de sa bouche l’histoire de sa mort et de sa résurrection ; ils l’ont engagé à en faire part au public, il s’y est décidé sur le tard. Son livre est écrit dans un grec moderne qui ne ressemble guère à celui de Xénophon, mais qu’il ne faut point mépriser. Quiconque a eu le plaisir de cueillir au sommet de l’Acropole une petite plante de basilic et de la froisser dans sa main se souviendra toujours de l’odeur pénétrante qu’exhalent ces petites feuilles ovales ; quiconque a mangé d’un agneau qui avait brouté les gazons courts de l’Hymète ou du Pentélique lui a trouvé un goût exquis que n’ont pas les nôtres. Il y a dans la prose de M. Nikolaïdy je ne sais quoi qui rappelle le parfum d’un basilic, la saveur d’un agneau pascal nourri de sauge et de thym. Celui qui traduira son récit en français devra s’appliquer à lui conserver et sa saveur et son parfum ; sinon, ce sera bien le même livre, mais ce ne sera plus la même chose.

M. Basile Nicolaïdy était mort l’année même de sa naissance, il est

  1. Ἀλὴ-Χουρσχήδ μπεῃσς ἐπεισόδιον τῆς ἑλληνιϰῆς ἐπανστάσεως, ὑπὸ Β. Νιϰολαΐδου ταγματάρχου τοῦ μηχανιϰοῦ ; Paris, 1882, Firmin-Didot.