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premiers actes politiques de Marlborough, prouve une fois de plus l’admiration de la duchesse pour son mari et le soin qu’elle prit toujours de sa gloire. Sans doute, après avoir été l’instrument de sa fortune, elle dut lui créer parfois des embarras par sa hauteur et par ses emportemens. Sans doute il eut à souffrir le contre-coup de ses déceptions et de ses ressentimens ; mais lui eût-il conservé jusqu’à la fin cette affection chevaleresque, cette confiance absolue, s’il n’eût trouvé en elle, outre les séductions de la jeunesse, un conseiller, un soutien moral précieux, le complément nécessaire aux intérêts de sa carrière ? Incapable de dissimuler ses opinions et ses impressions en général peu indulgentes, elle devait nécessairement se créer de nombreuses inimitiés et se trouver sans armes contre la servilité, les basses intrigues, la duplicité de Harley et d’Abigaïl Masham. Entrée à la cour à une époque de démoralisation, elle y échappa complètement. Mêlée ensuite aux luttes anarchiques des partis, elle s’y jeta avec l’ardeur passionnée de ses convictions. Parvenue à un degré de prospérité, de grandeur, d’influence, fait pour enivrer la plus forte organisation, elle en fit l’usage qu’elle croyait sincèrement le meilleur, mais elle manqua d’adresse, de douceur, de prudence. Frappée par la disgrâce, en pleine maturité de ses forces et de son intelligence, elle expia ses grandeurs par les déceptions, les calomnies, les ingratitudes, les abandons, les douleurs de toute nature. « Aussi, disait-elle, qu’on lise mon histoire si l’on veut bien connaître la vanité des faveurs de cour et l’inanité des choses humaines. »


MARIE DRONSART.