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âgée de quatre-vingt-quatre ans ; le 6 octobre, elle s’occupait activement d’affaires et envoyait au gouvernement une requête pour l’extension du bail emphytéotique de Marlborough-House, ce palais qu’elle avait fait construire et qu’habite aujourd’hui S. A. R. le prince de Galles. Le 18 du même mois, elle terminait sa carrière si remplie, exprimant « le désir d’être enterrée à Blenheim, près de son époux bien-aimé, John, duc de Marlborough, » Son testament est un curieux document dans lequel on la retrouve tout entière, avec ses singularités, ses rancunes, ses élans de reconnaissance et de générosité, ses défiances et ses dédains.

Elle laissait, en dehors d’une fortune évaluée à 1,500,000 francs de rente, de nombreuses terres achetées par elle, des sommes considérables en argent, joyaux, vaisselle plate et objets d’art. Autant que possible, elle avantageait son favori John Spencer, au détriment du frère aîné, le jeune duc de Marlborough, puis elle partageait un nombre infini de legs entre ses autres petits-enfans, amis et serviteurs. Il faut lui rendre cette justice que pas un service n’était laissé sans une ample récompense. Ces dispositions remplissent huit pages in-folio de parchemin. Elle défendait à ses petits-fils de se marier avant 21 ans, sous peine de perdre moitié de leur héritage, au profit de leur femme ; elle déclarait à John Spencer que s’il donnait sa garantie à qui que ce fût, ou acceptait d’un souverain aucun emploi civil ou militaire, excepté l’administration de Windsor, aucune charge ou pension, les dispositions du testament le concernant deviendraient nulles comme s’il était mort. Toutes les précautions possibles étaient prises pour que cette immense fortune si laborieusement et si habilement acquise fût sauvegardée. L’amie reconnaissante et la patriote libérale se retrouvent dans les deux legs suivans, très commentés par les contemporains.

« Je donne à Philippe Dormer, comte de Chesterfield, en témoignage de grande estime pour son mérite et de reconnaissance pour les obligations infinies que je lui ai, ma plus belle bague en diamans, mon manoir de Wimbledon, mes manoirs de Northampton et Surrey, plus 20,000 livres (500,000 francs). »

« Je donne à William Pitt, esq., mes terres du comté de Buckingham et 10,000 livres (250,000 francs) en récompense de sa noble défense des lois du pays et de ses efforts pour prévenir la ruine de l’Angleterre. »

Enfin elle laissait 250,000 francs à deux écrivains pour achever l’histoire du duc de Marlborough (à la condition qu’aucune partie n’en fût écrite en vers), « afin de prouver au monde que le duc n’avait jamais voulu que le bien et la justice. »

Ce jugement, quelque peu partial, surtout en ce qui touche les