n’ont pas énormément augmenté de valeur. Or ils forment la partie la plus considérable de la nourriture du travailleur. Le minimum de la paie pour l’ouvrier picard, — et les différences sont peu grandes avec l’Artois et la Flandre, — est à la journée de 1 fr. 25, et il est habituellement nourri. L’été, le gage s’élève. Dans quelques fermes de l’Oise, nous voyons les ouvriers payés entre 2 fr. 75 et 3 fr. 75. À la ferme, les domestiques les moins rétribués ont 300, les mieux payés 700 francs ; ils sont toujours nourris. L’été, le prix moyen pour l’ouvrier nourri est de 2 francs, et non nourri de 3. Le travail à la tâche pour les hommes non nourris est de 3 à 5 francs, pour les femmes de 2 à 3 francs. Au moment de la moisson, il n’est pas rare qu’un faucheur gagne 10 francs par jour. Ai-je besoin de faire observer que ces derniers prix sont sans proportion avec ceux d’autrefois ? Bien que l’usage universel soit de payer en argent les gages des journaliers, on cite quelques exploitations où les travaux de la moisson du blé et du seigle sont payés en nature, ce qui permet à l’ouvrier prévoyant de n’avoir pas à se préoccuper du prix du pain. Les familles se trouvent bien de cet usage, mais beaucoup se hâtent de se défaire de leur blé pour le convertir en argent.
Le pain tient dans ces pays une place notable dans l’alimentation de la classe rurale. Il est mieux fait et meilleur qu’autrefois. Il y a une trentaine d’années, et surtout si l’on se reporte à un demi-siècle, le pain était noir ou bis, souvent indigeste. À cette époque aussi, la seule viande en usage était le porc, pour une quantité d’ailleurs restreinte, et le poisson salé ou fumé. Il en est encore ainsi dans bon nombre de ménages, qui, cependant, ne représentent pas la moyenne. La consommation du porc a pu augmenter, et elle reste la seule d’un usage quotidien pour la plupart, mais la viande de boucherie, presque inconnue autrefois, s’y joint assez fréquemment. À Amiens, il y a moins de trente ans, le marché ne comptait que de 50 à 60 bêtes à cornes, consommées par la ville ; le nombre est aujourd’hui de 250 à 300, dont la moitié est consommée par les villages. Voici un spécimen, élevé un peu au-dessus de la moyenne, mais qui n’est nullement une exception, de la consommation alimentaire dans une grande ferme. Je l’emprunte à une exploitation sucrière de Roye, arrondissement de Montdidier, tenue naguère par M. Bertin. Chaque homme recevait tous les trois jours 3 kilog. 500 de pain, outre la soupe ; plus, chaque jour, 50 grammes de viande de boucherie en deux repas. La boisson se composait d’un litre et demi de cidre. Rarement l’ouvrier agricole se nourrit aussi bien chez lui. La boisson habituelle est la bière ; dans certaines parties le cidre ; pour les plus pauvres, ou plutôt pour les moins aisés, c’est l’eau. Beaucoup s’en contentent plutôt que de se priver sur les alimens solides. Pour une masse encore trop nombreuse, cet usage des boissons