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celle des fermiers, celle des ouvriers ruraux, qui renferme elle-même plusieurs variétés, selon qu’ils sont propriétaires de terres, nomades ou attachés à la ferme.


I.

La classe des propriétaires, d’après la classification qui se fait selon la dimension des domaines, se divise en grands, moyens et petits : division consacrée par les travaux des sociétés d’agriculture et des comices agricoles, et par les enquêtes officielles. On verra d’ailleurs que chacun de ces termes reçoit selon les régions une signification plus ou moins étendue qui est loin de représenter partout la même quantité de terre. La propriété n’a pas justifié dans nos provinces du Nord et du Nord-Ouest les prophéties qui en annonçaient l’émiettement indéfini. Quand le morcellement a eu lieu, ce qui a été assez fréquent, il s’est trouvé le plus souvent à sa place ; les cas de morcellement extrême n’en sont pas moins réels sur quelques points ; nous aurons à voir quelle cause, différente de celles qu’on fait ordinairement valoir, y a le plus contribué.

Dans le langage le plus usité, on entend par grande propriété un domaine de 100 à 300 hectares. Il s’en faut que cette limite soit adoptée partout en Picardie, en Artois et en Flandre. Presque partout, le chiffre de 100 hectares y forme un maximum au-dessous duquel on fait, dans le langage du pays et dans les documens officiels, commencer la grande propriété. Qu’on me permette quelques chiffres qui ne manquent pas de portée. Dans la Somme, on appelle « grande propriété » une exploitation de 40 à 50 hectares, mais dans certaines circonscriptions, comme celle de Péronne, le chiffre est maintenu à 100. C’est à peu près la moyenne de la grande propriété dans le département, où les domaines de 200 et de 300 hectares ne sont pas très nombreux. Dans l’Aisne, au contraire, pays où le pâturage occupe une place importante et laisse plus de place aux domaines étendus, la grande propriété commence à 100 hectares et va assez fréquemment jusqu’à 200. Dans le Pas-de-Calais, la même désignation baisse à une cinquantaine d’hectares. Je ne crois pas m’éloigner de la réalité en affirmant qu’en Picardie, une propriété est le plus souvent qualifiée « grande » vers 80 ou 60 hectares, moyenne vers une quinzaine d’hectares, et que 10 expriment à peu près la désignation maxima de la petite propriété. C’est le département du Nord qui offre à ce point de vue les plus singuliers écarts. Tel est le morcellement de l’arrondissement de Lille qu’on y fait commencer la « grande propriété » à 10 hectares, ce qui est tout juste ailleurs le chiffre le plus élevé de la petite. On voit dans l’arrondissement