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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Depuis les derniers jours de juillet, les événemens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, ont pris un cours de moins en moins favorable aux entreprises des baissiers, et un mouvement sérieux de progression a commencé à se produire sur les fonds publics et sur un certain nombre de valeurs. Le taux exceptionnellement peu élevé des reports effectués les 1er et 2 août avait démontré que la situation de la place se prêterait aisément à une tentative de reprise aussitôt que la politique laisserait respirer le marché. Les engagemens à terme se sont très réduits, l’argent au contraire est abondant, et la spéculation à la hausse est dirigée par des banquiers qui, après s’être longtemps contentés de reporter pendant la période des folies de l’an passé, ont largement acheté depuis la crise, et possèdent à la fois toutes les ressources nécessaires pour mener à bien une opération de longue haleine, et assez de patience pour attendre le concours des capitaux de placement.

Il est regrettable que l’espèce d’anarchie parlementaire qui vient d’aboutir après de longs mois à la formation d’un ministère de conciliation entre les disjecta membra de la majorité républicaine n’ait pas permis à la chambre de voter le budget de 1883 avant de se séparer. M. Léon Say avait réussi à faire accepter ses vues sur la situation financière du pays et sur les moyens à prendre pour empêcher cette situation de se gâter. Le budget de 1883 présentait un très gros chiffre de dépenses ordinaires, et des prévisions très élevées de recettes. Sur un point comme sur l’autre, le ministre avait voulu mettre le pays en face des réalités, au lieu de continuer à l’amuser par le mirage des plus-values extraordinaires ; il avait voulu aussi opposer une digue au débordement des crédits supplémentaires. Il est certain que M. Tirard ne changera rien à ces traits essentiels du budget et présentera au parlement, dans la session d’automne, les chiffres mêmes de son prédécesseur. On ne saurait affirmer toutefois que le temps qui va s’écouler jusqu’à la rentrée ne disloquera pas dans quelques parties l’économie du budget, notamment en ce qui concerne l’opération relative au remboursement des sommes dues à l’état par les chemins de fer. « Ni conversion, ni emprunt, ni rachat, » avait dit M. Léon Say pour caractériser son système financier. Or c’est un partisan décidé du rachat des chemins de fer qui vient d’être choisi comme sous-secrétaire d’état au département des travaux publics.

Pendant que la politique de non-intervention prenait définitivement