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pour la mairie de Paris, pour la suppression de l’inamovibilité dans la magistrature, pour l’élection des juges, pour l’abolition du concordat, pour la guerre aux croyances religieuses, pour tout ce qui peut diviser et troubler le pays. Comment concilier tout cela et expliquer ces contradictions ? Quelle chance y a-t-il de l’aire un gouvernement à demi sérieux avec tant d’élémens incohérens ? Heureusement les vacances ont commencé pour tout le monde, pour le parlement comme pour le conseil municipal de Paris, et la meilleure fortune pour le cabinet a été qu’on ne lui ait rien demandé. Tout est provisoirement ajourné d’un commun accord, et d’ici à la session nouvelle, on aura eu la satisfaction de vivre. M. le président du conseil paraît avoir, il est vrai, une ambition plus relevée ; il ne se contente pas du rôle de gérant d’un interrègne. Il assure qu’il a des idées nettes, une politique définie sur les affaires intérieures comme sur les affaires extérieures, qu’il soutiendra résolument sa politique, ses idées devant les chambres. C’est là précisément la question, qui n’est éclaircie ni par une déclaration sommaire, ni par la composition du cabinet, ni par les opinions connues des hommes associés au gouvernement.

La vérité est que ce ministère d’hier, sans être, si l’on veut, plus médiocre que ceux qui l’ont précédé, n’en diffère pas essentiellement par l’origine, par le caractère, par les fatalités qui l’enveloppent, et qu’il est lui-même le produit d’une situation profondément altérée. Il ne veut pas être un expédient, un cabinet d’affaires ou de vacances. M. le président du conseil refuse pour lui le rôle d’utilité insignifiante et temporaire : soit. S’il n’est pas un expédient, il n’apparaît sûrement pas jusqu’ici comme une solution, comme la manifestation décisive d’une force renaissante de gouvernement. Il n’est tout au plus qu’une trêve dans un mouvement qui a déjà dévoré bien des ministères, qui ne peut arriver à se fixer parce qu’il est le résultat d’idées fausses, d’une altération croissante de toutes les conditions d’un régime régulier, d’une politique de parti qui, au lieu de constituer et de pacifier la république, tend à la précipiter dans une sorte de décomposition, à la ruiner par le spectacle de la mobilité et de l’impuissance dans la confusion. Depuis que les républicains règnent sans contestation et sans partage, depuis qu’ils se sont si bien employés à faire de la république, non plus le régime de tout le monde, mais le régime de leurs passions exclusives, de leurs ambitions et de leurs préjugés, les crises ne se comptent plus : elles n’ont fait que se succéder en s’aggravant. La quatrième année n’est point encore écoulée depuis l’entrée de M. Jules Grévy à l’Elysée, et voici déjà le sixième ministère I En quatre années, le gouvernement des républicains a parcouru à peu près toutes les phases, allant du centre gauche jusqu’au radicalisme, et s’il n’a pas rallié la gauche la plus extrême, il lui a souvent pris ses idées,