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alignés devant la cavalerie. Alexandre, pendant ce temps, a parcouru lu majeure partie de l’espace qui le séparait de Purus. La cavalerie macédonienne continue de précéder la phalange ; elle a l’ordre de ne pas engager sérieusement le combat ; son rôle est uniquement d’occuper l’ennemi en simulant l’intention de charger. Les escadrons arrivent à fond de train sur la ligne de Porus ; puis tout à coup, faisant une demi-volte, ils rasent le front qui s’apprêtait à recevoir leur choc et se retirent aussi rapidement qu’ils sont venus. Toute l’attaque s’est bornée à un échange de traits. C’en est assez cependant pour tenir en respect l’armée indienne et pour l’empêcher de passer par un grand mouvement d’ensemble à l’offensive. A l’abri de ces échelons qui tourbillonnent incessamment devant les yeux des soldats de Porus, l’infanterie macédonienne se repose de sa longue marche et Alexandre étudie les dispositions prises par son adversaire. A Issus, dans les champs d’Arbèles, le choc fut à peu de chose près un choc parallèle ; toute la ligne ennemie a été attaquée à la fois. Qu’est-il résulté de ce condit brutal et sans art ? Le centre des Perses a résisté ; les Macédoniens n’ont pu l’enfoncer que lorsqu’une des ailes assaillies a cédé et a permis aux troupes victorieuses de se rabattre sur le flanc découvert. Le centre, ici, serait plus apte encore à repousser l’assaut ; la force principale des Indiens s’y est massée. N’a-t-on pas admis en principe que les chevaux et les archers ne pouvaient rien contre les éléphans ? Faut-il exposer l’infanterie à voir la cavalerie indienne laissée inoccupée tourner tous ses efforts comme les rangs massifs de la phalange ? L’armée de Porus ressemble dans sa lourdeur à une flotte au mouillage ; Alexandre se dispose à l’attaquer comme Nelson attaquera deux mille ans plus tard nos vaisseaux dans la baie d’Aboukir. L’amiral anglais n’est pas de la taille d’Alexandre et de Napoléon ; il est, à coup sûr, de leur famille. Alexandre va donc négliger les deux tiers de l’armée indienne et s’appliquer à en écraser le troisième tronçon. C’est à l’aile gauche de Porus qu’il s’adresse. Mille archers à cheval reçoivent l’ordre d’entrer en action. Dès qu’ils ont parti faire quelque impression sur la ligne ennemie et ont commencé à en rompre l’ordonnance, Alexandre s’élance à la tête des hétaïres. Les Indiens tiennent ferme et la mêlée s’engage ; de moment en moment, elle devient plus sanglante. Le gros de la phalange cependant et le centre de Porus n’ont pas encore cessé de se faire face, également impassibles et en apparence également étrangers au combat ; des charges de cavalerie conduites par Cœnus et par Démétrius occupent et retiennent la droite des Indiens ; tout l’intérêt, toute la fureur du conflit sont ; à gauche.

Où vont ces cavaliers qui, tout à l’heure, attaquaient si mollement l’aile désignée par Cœnus et par Démétrius à leurs coups ?