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viennent après pour cette consommation, ne dépassent pas 170 litres ; Elle est de 153 litres pour le Pas-de-Calais ; pour l’Aisne, de 75 litres ; pour la Somme, de 50 ; dans ces deux derniers départemens on boit aussi du cidre. Comment ne pas tenir compte principalement des immenses centres populeux dans le Nord ? Pour l’eau-de-vie, il est seulement le quinzième, venant assez loin après l’Aisne et la Somme. Quand on connaît les excès de ce genre dans ces villes si populeuses, on en conclut que l’alcoolisme règne peu dans les campagnes du Nord. L’Oise, qui a peu de villes manufacturières, en consomme davantage.

Mais c’est surtout par la gravité des effets que l’intempérance doit être appréciée. Les cas d’aliénation mentale et de crimes causés par l’ivresse sont ici le plus sûr comme le plus triste critérium, et on doit avoir égard aussi au nombre des arrestations en état d’ivresse. Dans le Nord, le nombre des arrestations pour cause d’ivresse publique est de 23.90 sur 10,000 habitans : le Finistère donne 82.50. Les morts accidentelles causées par l’ivresse donnent dans le Nord 0.54 sur 100,000 habitans : le Finistère, 4.62. Pour les aliénations alcooliques, le Finistère donne 17.26, le Nord seulement 8.78 : l’écart est énorme et prouve de bien moindres excès individuels avec une consommation égale ou à peu près, puisque le département breton figure le quatorzième sur la liste et le Nord le quinzième. Ces chiffres sont fort loin de ceux que nous avons cités pour la folie alcoolique en Normandie. La criminalité produit des différences analogues. Le nombre des crimes commis à la suite d’ivresse est aussi relativement peu élevé dans les mêmes campagnes.

Je n’en signale pas moins des excès fâcheux, et, ce qui est un mauvais symptôme, une consommation accrue de l’alcool pour la Flandre depuis 1849 ; elle était alors de 2 litres 52, elle atteignait 4 litres 65 en 1869 et dépasse ce dernier chiffre sensiblement aujourd’hui. On boit de tout dans les cabarets, bière surtout, eau-de-vie, genièvre. Or le nombre des cabarets a augmenté énormément. On dit qu’il faut voir en eux bien souvent des restaurans où les ouvriers vont prendre leur nourriture ; mais à qui fera-t-on croire qu’il faille à Lille 1 cabaret pour 80 habitans, pour l’arrondissement de Hazebrouok 1 pour 70, pour Dunkerque 1 pour 60, pour Cambrai 1 pour 59, pour Valenciennes 1 pour 44, pour Avesnes 1 pour 38 ? Ces cabarets sont aussi dans les villes trop souvent tout autre chose, la débauche y a ses cabinets particuliers. Il s’y joint dans les campagnes un attrait moins honteux, mais regrettable : l’abus des combats de coq, interdits pourtant par la loi du 2 juillet 1850 et par plusieurs arrêtés préfectoraux, qui n’empêchent pas qu’ils ne se