ici beaucoup moins heureux. Il reste favorable encore aux salaires, mais il est fâcheux pour la famille et pour la tempérance. En Picardie, on peut citer quelques parties de l’arrondissement de Péronne, le canton de Roye et plusieurs autres régions de l’arrondissement de Montdidier, où se rencontre l’union de la culture et de la fabrication du sucre. L’intempérance y présente un spectacle analogue à celui des villes manufacturières, sous la forme de l’abus de l’eau-de-vie qui, depuis une vingtaine d’années, s’y est développé de la façon la plus regrettable ; le café consommé dans les établissemens n’est plus aujourd’hui que le prétexte, plusieurs fois renouvelé, de surabondantes libations alcooliques.
Quant à la masse de la population rurale des provinces de Picardie, d’Artois et de Flandre, je refuse de souscrire aux arrêts sévères à l’excès des statistiques, qui mêlent trop de gens dans leurs moyennes. Les cartes teintées de rouge, faute des mêmes distinctions suffisantes, iraient jusqu’à infliger cette couleur accusatrice à des buveurs d’eau. Et d’abord, les statisticiens omettent de nous dire que l’ivrognerie s’est presque resserrée dans une catégorie inférieure. Autrefois, dans ces contrées du Nord, tout le monde s’enivrait, le hobereau comme le paysan, souvent même avec lui, ce qui était une façon, à certains jours, de rétablir l’égalité. Aujourd’hui on montre du doigt un propriétaire ou un fermier d’un certain rang qui s’enivre. Ce défaut est moins rare dans le monde des petits cultivateurs, mais non pas très fréquent. Tempérant, on ne l’est pas toujours, certes, autant qu’il le faudrait, mais il y a loin de là au vice, qui s’est renfermé dans une partie de la classe ouvrière rurale. La grande part de l’intempérance dans les contrées du Nord et du Nord-Ouest appartient aux ouvriers non agricoles de Boulogne, Calais, Lille, Saint-Omer, Arras, Amiens, Béthune, Saint-Pol et d’autres centres. On fait figurer le Pas-de-Calais pour la consommation totale des boissons immédiatement après la Seine-Inférieure, la Mayenne, le Calvados et l’Eure. Cette consommation est ici représentée surtout par la bière, boisson dangereuse par l’abus sans l’être à beaucoup près autant que l’alcool. Les relevés publiés, en 1879, par le Congrès international pour l’étude des questions relatives à l’alcoolisme, donnent par habitant chaque année à peine 153 litres ; cela ferait environ un demi-litre par jour ; en ce cas, on n’aurait qu’à louer les habitans de leur sobriété. On atteint à une moyenne de 600 litres par an pour l’ensemble des boissons : ce qui n’aurait rien d’excessif s’il ne fallait en partie défalquer les femmes et les enfans et tous ceux qui consomment peu de boissons fermentées.
La consommation moyenne en bière, portée à 220 litres pour le département du Nord, est certes exorbitante. Les Ardennes, qui