XVIIe et au XVIIIe siècle. Après les sauvages elles étaient l’innocence même. De nos jours, on les a peintes sous des traits souvent odieux dans le roman et au théâtre. On a mis sous nos yeux le paysan madré et voleur, on a fait moins le portrait que la caricature de nos villageois. Tous ces tableaux qui ne représentent que certains côtés, grossis démesurément, n’ont pas fort heureusement la prétention d’exprimer avec exactitude la réalité tout entière et l’ensemble d’une population qui forme la classe la plus nombreuse de notre pays. Non, cette grande classe agricole ne mérite pas d’être traitée de la sorte, quelles que soient les réserves à faire, et la part du mal, qu’il nous faudra reconnaître, mesurer et décrire.
Le jugement qu’on peut porter d’une classe de la population n’est pas seulement absolu, il est aussi relatif, et il implique un certain degré de comparaison tantôt avec le passé, tantôt avec les autres parties de la société. Il est indispensable de se conformer à ces règles pour bien juger les populations agricoles.
Ce qui s’impose ici, c’est la comparaison de la population rurale et de la classe ouvrière. La première, quoi qu’on en ait pu dire, est moralement supérieure. On y trouve d’abord un développement plus grand des qualités de travail assidu et d’économie. Quant à ce qu’on nomme les mœurs, elles laissent assurément beaucoup à désirer dans les campagnes ; la part à faire aux entraînemens de l’âge et des sens est grande dans ces provinces ; mais il y a loin de là, on doit le dire, au libertinage habituel et raffiné, à la profonde perversion morale de la débauche et aux vices qui lui servent de cortège dans les villes. On est placé sous l’empire de meilleures influences. L’air pur, l’activité saine de la vie en pleins champs, semblent mettre le plus souvent obstacle à ces effets d’une fermentation que développent les occupations sédentaires, les lieux renfermés, les excitations de tous genres et les mauvaises lectures. Les campagnes sont à l’abri des causes qui font que dans les villes le vice s’appelle légion, qu’il y a son organisation, son budget. Elles ignorent au moins d’une manière habituelle les chômages du travail qui font de la misère une occasion de chute. On n’y voit guère le vice éhonté s’étaler effrontément et devenu un métier. Elles échappent enfin à cette autre plaie des villes de fabrique, les unions illégitimes. Le contraste à ce dernier point de vue est sensible entre Amiens, Saint-Quentin et les autres villes de fabrique du Nord, et les populations rurales qui les environnent. Les statistiques mises en lumière par des écrivains moralistes ou économistes ne nous laissent pas ignorer quelle énorme place tiennent dans les villes populeuses du Nord et du Nord-Ouest ces unions passagères. Les deux sexes s’y associent dans une vie