Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Méléagre, Attale et Gorgias ne seront pas davantage arrêtés par le déploiement de quelques troupes légères ; il leur est recommandé d’attendre simplement que le corps d’Alexandre ait engagé le combat et d’accourir alors le plus rapidement possible pour se précipiter avec leur détachement au cœur de la mêlée.

Toutes ces dispositions ont reçu l’approbation sans réserve des officiers anglais qui ont étudié la grande bataille de l’Hydaspe sur les lieux. Alexandre cependant réussira-t-il à dissimuler son long mouvement de flanc ? Pourra-t-il dérober cette marche de 27 kilomètres à l’attention de l’ennemi ? Fera-t-il filer sa cavalerie, ses hétaïres, ses hypaspistes de Jalalpour à Kotera sans qu’une seule vedette indienne les aperçoive et vole avertir Porus ? Il existe heureusement un ravin profond au nord de Jalalpour. Ce ravin est le lit du Kandar-Nullah, qu’on peut suivre à partir de Jalalpour jusqu’au point où la route va rejoindre un autre ravin appelé le Kasi. Par cette seconde vallée, on arrivera au bord de l’Hydaspe, un peu au-dessous de Dilawar. Voilà un chemin couvert qui semble avoir été préparé tout exprès pour cacher aux yeux des Indiens les mouvemens d’Alexandre. « J’ai voulu parcourir moi-même ces ravins, nous dit le général Cunningham, pour m’assurer de la possibilité d’y faire marcher une armée ; je me suis convaincu qu’on n’y rencontrerait pas de difficulté sérieuse si l’on compte pour rien la fatigue de monter et de descendre souvent dans la première moitié du trajet, de cheminer au milieu de sables mouvans dans la seconde. Le sommet de la courbe que décrit le Kasi se trouve à 11 kilomètres environ du bord du fleuve. Comme le Kandar-Nullah, le Kasi est un ravin très profond ; il est encaissé par des collines dont la hauteur varie de 30 à 90 mètres. » Décrite par Arrien, vérifiée avec un soin minutieux par Cunningham, la route qui conduisit Alexandre sur le flanc droit de l’armée indienne ne nous laisse aucun doute. Alexandre avait intérêt à s’éloigner de la rive pour mieux tromper la surveillance des vedettes de Porus ; le Kandar-Nullah et le Kasi offraient précisément l’avantage d’une voie qui, dès les premiers pas, se dirigeait vers l’intérieur des terres et ne revenait aboutir à l’Hydaspe que par un long détour. Le jour tombait quand Alexandre arriva sur les lieux où un éperon rocheux, éperon que le roi de Macédoine doit avoir, dans une de ses reconnaissances, remarqué et qui aura probablement déterminé son choix, se projette dans le fleuve, près du village moderne de Kotera et à 1 kilomètre et demi au-dessous de Dilawar. On avait toute la nuit devant soi ; cette nuit lut laborieusement employée. On en profita pour assembler les barques et les triacontores menées par fragmens de l’Indus, pour coudre et remplir de paille les peaux qui devaient soutenir les radeaux. Un violent orage, accompagné d’une pluie torrentielle et