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Dès lors une question se trouve vidée. — Tout le monde sait combien de discussions se sont élevées et que d’hypothèses diverses on a émises à propos de l’origine des Étrusques. La présence chez eux d’objets de fabrication orientale a été souvent invoquée dans ces discussions comme un argument décisif. C’était pour beaucoup de savans une preuve manifeste qu’Hérodote a raison de les faire venir de la Lydie. « Voyez, disait-on, comme ils sont restés fidèles à l’art de leur pays ! ils en ont évidemment emporté le goût en quittant l’Asie, et l’ont conservé jusque dans leur patrie nouvelle ! » Cet argument, qui semblait victorieux, n’a plus aujourd’hui aucune force. Nous savons à quel moment les Étrusques ont reçu chez eux les produits de l’Orient, et qui leur en a donné la connaissance et le goût. Il y avait alors plusieurs siècles qu’ils étaient établis en Italie et ils avaient eu tout le temps d’oublier leurs origines. La faveur avec laquelle ils ont accueilli les marchandises que les Carthaginois leur apportaient ne s’explique donc pas, comme on le prétend, par le charme des souvenirs, mais, au contraire, par l’attrait de la nouveauté. C’est une erreur de croire qu’ils en avaient pieusement conservé l’usage depuis le jour où ils quittèrent leur pays natal. Je viens de montrer que nous possédons des monumens plus anciens et plus voisins de l’époque où ils sont entrés en Italie, et ces monumens ne contiennent rien qui rappelle l’Orient. Il est donc certain que l’influence de l’Asie sur l’art et l’industrie des Étrusques n’a rien à faire avec le problème de leur origine. Voilà, je le répète, une question vidée. Nous continuons sans doute à ignorer à quelle race ils appartiennent et de quel pays ils sont sortis[1] ; mais le terrain est déblayé d’une hypothèse, ce qui rendra la solution du problème plus aisée.

Nous arrivons à une grande révolution qui s’opère dans l’art étrusque. — Les vaisseaux de Carthage devaient rencontrer dans les ports de l’Étrurie ceux des Grecs, et il est probable que les marchands des deux pays s’y faisaient une âpre concurrence. Les relations des Étrusques avec la Grèce ont commencé de très bonne heure ; nous en avons une preuve certaine. M. Helbig a montré par des déductions ingénieuses que ce doit être vers le VIIIe siècle qu’ils ont connu l’écriture ; or nous savons qu’ils la tiennent des Grecs : l’alphabet dont ils se servent est celui des Phéniciens, mais

  1. On est porté à croire aujourd’hui qu’il n’y a rien de vrai dans le joli conte d’Hérodote et qu’il est vraisemblable que les Étrusques sont arrivés par les Alpes. Mais on ignore absolument à quelle race ils appartiennent.