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statues ou les tableaux n’a jamais été plus grand, mais leur goût n’est plus aussi pur. On recherche l’extraordinaire et le riche plus que le beau ; on aime les matières précieuses pour elles-mêmes, à cause du prix qu’elles coûtent, et on les emploie à des ouvrages où elles ne conviennent pas. Dans l’architecture, par exemple, on dédaigne ces belles pierres qui ont servi à construire les monuments majestueux de Rome, le pépérin, le travertin ; le marbre blanc lui-même paraît trop nu et trop froid, et l’on fait venir des pays lointains les pierres ou les marbres rares, le porphyre, l’obsidienne, pour surprendre l’œil et frapper l’imagination par la richesse des matériaux. L’ambre, on le comprend, profita de ce changement du goût public. Sous Néron, l’engoûment qu’il inspire est à son comble. Comme on trouvait qu’il n’en arrivait pas en assez grande quantité, on envoya tout exprès un chevalier romain qui traversa la Germanie et pénétra jusqu’à la mer du Nord pour en activer le commerce. On en faisait des colliers, des anneaux, des bracelets pour la toilette, des statuettes pour orner les maisons ; pendant les chaleurs de l’été on serrait dans les mains des boules d’ambre pour se rafraîchir et se parfumer à la fois. Brut ou travaillé, on l’employait partout, el l’empereur Hélagabale se désolait de n’en avoir pas assez pour paver les rues par lesquelles il devait passer.

Revenons aux tombes de l’Étrurie et à la tentative qu’on a faite de les classer d’après leur âge. — Nous en étions restés au moment où l’ambre et l’or y font leur première apparition, où les vases de couleur brune à dessins géométriques commencent à prendre des formes un peu moins grossières. L’époque qui suit nous présente un progrès plus sensible. C’est alors qu’on rencontre pour la première fois ces beaux vases noirs que les Italiens appellent vasi di bucchero nero, d’abord entièrement lisses, puis ornés de reliefs. Ils durent être regardés comme des merveilles d’élégance chez des gens qui venaient à peine de connaître les métaux précieux et qui. se contentaient de leur poterie primitive. Plus tard ils passèrent de mode et tombèrent dans le discrédit, quand on connut les vases peints de la Grèce. Nous voyons qu’il était de bon ton, parmi les petits-maîtres de Rome, de se moquer « de cette vieille vaisselle noire, » et que Martial était forcé de rappeler à ces dédaigneux qu’un roi puissant, Porsenna, s’en était autrefois contenté.

Les tombes où l’on trouve ces vases contiennent des objets bien plus curieux sur lesquels il faut nous arrêter un moment. Ce sont des scarabées en pierre dure, des bijoux d’un travail très délicat, des vases à parfums ornés de figures étranges : on y voit des sphinx ailés, des bêtes fantastiques, des personnages raides couverts de petites tuniques, les cheveux rejetés en arrière, semblables à ceux qui couvrent les obélisques, des géants trapus et barbus, tenant