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est plus étonnant, c’est qu’il en existe de semblables chez les peuples italiotes dont l’origine est différente de celle des Étrusques, Dans ces dernières années, le goût des études archéologiques s’est beaucoup répandu dans l’Italie, et, chaque ville ayant été prise d’un désir ardent de connaître son passé, on a fouillé le sol méthodiquement d’un bout à l’autre de la péninsule ; on peut dire qu’à peu près partout, quand on a pénétré dans la couche profonde qui contenait les tombes les plus anciennes, le sol a rendu les mêmes débris. Ce qu’on a découvert à Corneto, on le retrouve dans les vieux cimetières de la Campanie, du Picenum, de la Sabine, du Latium[1], et à Rome dans les sépultures de l’Esquilin et du Viminal. Qu’en faut-il conclure ? Que les peuples qui se partageaient alors l’Italie étaient moins séparés entre eux et peut-être moins différens les uns des autres que nous ne sommes tentés de le croire. Leurs frontières n’étaient pas rigoureusement fermées, les marchands y pénétraient pour porter les ustensiles nécessaires à la vie et les ornemens qui l’embellissent. Il y avait donc, jusque dans cette époque primitive et sauvage, quelques élémens de commerce, c’est-à-dire quelques germes de civilisation. Ce qui fit la principale différence entre ces peuples, c’est la façon plus ou moins rapide dont ces germes se sont développés chez eux. Il y en a chez qui cette première période a duré plus longtemps, d’autres qui ont franchi plus vite tous les degrés. On est tenté de croire que l’Italie, aussitôt après avoir été conquise par les Romains, est devenue toute romaine, et qu’étant soumis à la même domination, tous les peuples s’y sont mis à vivre de la même vie : c’est une illusion dont il faut se défaire. Il en est que leur situation ou leur caractère ont défendus longtemps contre l’influence de la ville maîtresse. Il faut se figurer que, dans ce grand pays qui nous semble alors si éclairé et si prospère, il restait encore comme des îlots de barbarie au milieu de la culture générale. L’histoire ne peut pas nous l’apprendre : elle ne descend guère à ces détails ; mais l’archéologie le révèle ; elle nous met sous les yeux, d’une façon vivante, cette persistance des anciennes habitudes, cette lutte de l’esprit local qui résiste obstinément à la langue et aux usages de Rome. Des fouilles récentes ont fait découvrir à Este (l’ancienne Ateste) des tombes qui contiennent des vases assez grossiers et des inscriptions dans le vieil idiome du pays. On les croirait de deux ou trois siècles avant notre ère, si l’on n’avait trouvé dans l’une d’elles une médaille d’Auguste. On voit que ces pays n’avaient pas encore tout à fait

  1. On regarde comme tout à fait propre au Latium l’habitude de donner aux urnes funéraires la forme de petites cabanes. Les urnes de ce genre n’avaient été rencontrées jusqu’ici que dans le territoire d’Albe. On vient d’en trouver une à Corneto tout à fait semblable à celles du Latium.