Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/807

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’urne funéraire la piété des survivans a placé divers objets qui devaient être alors précieux. Ce sont des colliers, des bracelets, des fibules de bronze ; il s’y trouve aussi quelques vases, de couleur grise ou noirâtre, faits d’une argile assez impure et travaillés à la main. Quelques-uns de ces vases sont sans aucun ornement, d’autres portent des lignes en forme de rond ou de carré, qu’on a tracées sur l’argile fraîche avec un instrument pointu. C’est ce qu’on appelle, dans la langue des archéologues, la décoration géométrique. Presque tous les musées importans contiennent de ces vases primitifs, et, quoiqu’ils ne soient pas très beaux, j’avoue que je ne puis les regarder sans quelque émotion. Voilà donc comment le goût de l’art s’est d’abord manifesté chez l’homme ! Ces lignes maladroitement tracées prouvent qu’il ne lui suffisait plus de pourvoir à sa nourriture et à sa sûreté, qu’il éprouvait le besoin d’embellir les ustensiles dont il se servait, qu’au-delà du nécessaire il entrevoyait quelque autre chose et qu’il commençait à sentir le prix de l’inutile. C’est un instinct nouveau qui se révèle chez lui et qui ne cessera pas de se perfectionner. Dans ces dessins grossiers tous les progrès de l’avenir étaient en germe. Après avoir jeté les yeux sur ces humbles débuts, si nous pouvons les reporter sur les merveilleuses peintures des lécythes blancs d’Athènes, nous embrasserons d’un regard la route que l’industrie humaine a parcourue en quelques siècles.

L’étude de ces anciennes sépultures suggère quelques réflexions importantes. D’abord il faut remarquer qu’on n’y trouve ni le fer, ni l’or : c’est la preuve qu’elles sont d’un temps où ces métaux étaient inconnus ou du moins très rares, et il est vraisemblable qu’elles remontent à l’époque où l’âge du bronze finit et où l’âge du fer commence. On a conservé, dans ce qu’on appelle les terremare de l’Italie septentrionale, quelques débris de villages bâtis sur pilotis dans les premiers temps de l’âge du bronze. Il y reste, parmi les détritus de toute sorte, des fragmens de poterie qu’on a recueillis avec soin. Or il se trouve que les vases découverts à Corneto ne sont que le perfectionnement de ceux qui se rencontrent dans les terremare de l’Emilie. Voilà donc grâce à eux une lacune comblée ; nous tenons maintenant toute la suite des générations qui ont habité l’Italie, et le progrès se continue sans interruption pour nous depuis la plus complète barbarie jusqu’à la plus parfaite civilisation. Ajoutons que l’usage de ces vieux vases n’était pas particulier à Corneto : on les a retrouvés à Bologne (l’ancienne Felsina), à Cervetri (Cœre), à Palo (Alsium), à Orvieto (Vulsinies), enfin dans toute l’Étrurie. Cela n’a rien qui nous surprenne, et il est assez naturel que des cités de même race aient possédé la même industrie. Ce qui