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des courses. Pendant ce temps les spectateurs se pressent dans des espèces de tribunes assez semblables aux nôtres. On les voit, hommes et femmes, revêtus de leurs habits de fête et attentifs au spectacle. Des personnes qui n’ont pas trouvé d’autre place, des esclaves peut-être, se sont glissées sous les tribunes et regardent de là en compagnie de quelques animaux domestiques ; la scène a un caractère incroyable de réalité. Quelquefois ce sont des histrions, des mimes, des faiseurs de tours de force qui sont chargés d’amuser le public, et qui le font en conscience. Ils se livrent à toutes sortes de contorsions, grimpent les uns sur les autres ou marchent sur la tête ; leurs costumes sont parfois assez étranges : l’un d’eux porte un berret pointu, avec des raies de couleur, terminé par une petite touffe de laine rouge, et qui ressemble tout à fait au bonnet dont les Italiens coiffent leur Polichinelle. Aussi la tombe où on l’a trouvé porte-t-elle le nom de tomba del Pulcinella.

Quelle était la signification réelle de ces peintures ? pourquoi l’artiste préfère-t-il d’ordinaire ces sujets aux autres, et que peuvent-ils avoir de particulièrement convenable à une tombe ? On dit souvent, pour les expliquer, qu’ils représentent les fêtes données en l’honneur des morts, et cette explication paraît d’abord très vraisemblable. On sait, en effet, quelle grande place tiennent les festins dans les rites funèbres à Rome. Le neuvième jour après les funérailles, la famille se réunit pour dîner ensemble autour de la tombe : on appela ce repas cœna novemdialis : c’est proprement l’octave des morts. Un an après, et aux anniversaires qui suivent, le repas recommence ; il réunit les parens et tous ceux qui se souviennent encore de l’ami qui n’est plus. Aussi les gens prévoyans, qui veulent que leur mémoire soit fêtée le plus longtemps possible, ont-ils soin de laisser des fonds par testament pour suffire à la dépense. Le christianisme trouva ces usages si enracinés qu’il n’osa pas d’abord les détruire, et jusqu’à saint Ambroise on vint boire et manger sur la tombe des martyrs à l’époque de leur fête. Quant aux jeux funèbres, ils n’étaient pas, comme on pourrait être tenté de le croire, une simple satisfaction de vanité, une manière comme une autre de glorifier un mort d’importance. Ils avaient une signification religieuse de la plus haute gravité. Le chrétien qui assiste à un sacrifice pour les morts pense qu’il travaille à leur assurer par ses prières la béatitude éternelle : c’est certainement leur rendre un grand service. Le païen qui célèbre des jeux en l’honneur d’un de ses parens l’aide vraiment à devenir dieu, ce qui est bien plus encore. Telle est l’importance du culte dans ces vieilles religions que non-seulement on ne peut pas admettre qu’il y ait un dieu sans adorateurs, mais qu’on soupçonne même que l’adorateur contribue à la